Le cinéaste Marcel Simard aimait montrer à ceux qui lui rendaient visite, à ses bureaux de Productions Virage, des dessins d'enfants. Il chérissait ces souvenirs d'une année de tournage à l'école Nouvelle-Querbes d'Outremont, où il a réalisé son dernier documentaire, un film qui lui tenait particulièrement à coeur.

Un de ces dessins sert d'affiche au Petit monde d'Elourdes, qui prendra l'affiche le 16 avril. On y voit une montagne verte et bleue qui ressemble à une vague de tsunami. Au sommet de la montagne, entre un nuage et une rose en forme de coeur, deux personnages au regard sévère, les bras levés, les biceps gonflés, l'air menaçant. Au pied de la montagne, un tout petit bonhomme qui pleure, les pieds dans une mare de larmes.

Un dessin d'enfant illustrant l'exclusion, pour un film sur la détresse psychologique en forme de testament artistique. Marcel Simard, un homme sensible, fragile et très apprécié de son entourage, s'est enlevé la vie le mois dernier.

Le petit monde d'Elourdes traite de la «détresse ordinaire» d'élèves du premier cycle du primaire, dans une classe multiâge d'une école alternative d'un quartier favorisé de Montréal. Marcel Simard, qui est sociologue de formation, a voulu savoir comment cette détresse ordinaire se manifestait, et comment on pouvait intervenir «pour que la petite détresse ne devienne jamais grande».

Le regard subtil, d'une grande acuité, que pose le cinéaste de Love-moi et des Mots perdus sur ces enfants de 7, 8 et 9 ans est à la fois touchant et troublant. Il est magnifié par la présence lumineuse d'Elourdes Pierre, une prof brillante et attentive, qui a décidé de combattre par la parole cette détresse qu'elle perçoit chez ses élèves. Discuter pour éviter les coups, pour changer les habitudes dès l'enfance.

Elle parle avec émotion et gravité de ce jeune garçon qui, après s'être dessiné tout petit, pleurant au pied de la montagne, lui a confié qu'il préférait mourir et disparaître plutôt que d'être rejeté de nouveau par ses camarades de classe. Monde cruel que celui de l'enfance, trop souvent dépeint comme une oasis de bonheur candide, sans malice. De tout temps, il y a eu un enfant choisi en dernier au jeu de ballon chasseur en se faisant traiter de «nul».

Le film de Marcel Simard se concentre en particulier sur l'action d'Elourdes Pierre auprès d'un groupe de cinq filles, toutes amies à l'exception de deux têtes fortes incapables de trouver un terrain d'entente. À travers leur dynamique de confrontation, le documentariste aborde plusieurs facettes de l'exclusion. Le traitement reste classique, avec des personnages forts, et très attachants, à l'instar des Porteurs d'espoir de Fernand Dansereau, à l'affiche depuis vendredi, qui s'intéresse aussi à un groupe d'élèves du primaire inspiré par son professeur.

Le petit monde d'Elourdes, porté par la Symphonie des jouets de Léopold Mozart, se termine sur une note d'espoir, autour d'une pièce de théâtre montée par les enfants, intitulée Les cinq filles. Une fiction autobiographique pour inspirer la réalité et combattre la détresse. Impossible de ne pas tracer de parallèle avec le destin tragique de Marcel Simard, qui a consacré plusieurs films aux jeunes et à la santé mentale.

Lorsque à la fin du documentaire et de l'année scolaire, Elourdes Pierre annonce aux plus vieux dans quelle classe ils se retrouveront l'année suivante, confirmant des séparations inévitables, l'émotion brute envahit l'écran. «Arrêtez de pleurer!» supplie avec affection l'enseignante, les yeux embués. Désolés, c'est plus fort que nous.

Questions existentielles (bis)

Une question me taraudait hier: qui jouera l'étalon dans Les filles de Caleb, l'opéra-folk inspiré du roman d'Arlette Cousture. Naturellement, je me suis tourné vers la seule source fiable d'information en ce début de décennie: Twitter. Pour me rendre compte que d'autres se posaient autant de questions que moi sur l'adaptation musicale de la célèbre télésérie des années 90. «Tiger Woods», a conclu l'écrivaine Marie-Hélène Poitras. «Moi, j'ai hâte de savoir qui jouera Lazare-qui-souffre-du-grand-Mal et la p'tite Charlotte-qui-pisse-tout-le-temps», m'a répondu le confrère Hugo Dumas. «J'ai tellement hâte de voir Luce Dufault accoucher dans de la neige en styrofoam», a confié le collaborateur d'Infoman MC Gilles. «À quand une comédie musicale sur Entre chien et loup?» a de son côté demandé l'animateur Guy A. Lepage. Qui osera désormais prétendre que l'on perd son temps sur les réseaux sociaux?