Dans la boîte de réception où aboutissent les courriels, il y a certaines questions qui, régulièrement, me sont posées. Voici les quatre plus populaires:

1- Sur quels critères vous basez-vous pour fixer le nombre d'étoiles accordées à un film?

2- Comment déterminez-vous qui écrit sur quoi?

3- Pourquoi osez-vous vous prononcer quand même sur un film dont vous n'appréciez pas déjà le genre au départ?

4- Que devrais-je faire pour avoir votre job?

Je dois d'abord reconnaître que la dernière question est habituellement formulée autrement, souvent en des termes plus policés. Mais pas toujours. Je vous épargne les détails. Mais puisque vous insistez, lançons-nous aujourd'hui dans une rubrique «comment ça marche»...

Question 1. Je l'ai souvent écrit: l'attribution d'une cote est probablement l'étape la plus délicate dans la rédaction d'un texte critique. D'autant que l'auteur sait fort bien que cette fameuse cote existera de façon autonome après publication. Et survivra fin seule dans les grilles horaires, sans l'appui du texte, tant que le film tiendra l'affiche. Certains d'entre vous le savent déjà; je suis plutôt avare de mes quatre étoiles. À mon sens, les semer à tous vents en diminue d'office la valeur. Le jeu promotionnel entre aussi en ligne de compte. Une cote quatre étoiles étant immédiatement récupérée par les distributeurs à des fins publicitaires, on préférera ainsi les garder pour des oeuvres que nous recommandons pleinement. Ma règle personnelle est très simple: j'attribue la meilleure cote à un film susceptible de figurer sur mon palmarès des 10 meilleurs films de l'année en décembre. Cela dit, aucun critique ne se pointe dans une salle avec une fiche d'évaluation précise. La cote reflète plutôt son impression générale.

Question 2. La polyvalence est de mise. Dans un contexte où les sorties se multiplient à un rythme infernal semaine après semaine, il le faut. D'autant que l'emploi du temps de tous et chacun ne coïncide pas obligatoirement avec le moment précis où une projection réservée aux journalistes a lieu. Cela dit, les affinités naturelles ne sont pas écartées d'emblée. Par exemple, nous sommes ravis quand notre indispensable amie Sonia Sarfati manifeste l'envie d'écrire sur un film dont l'intrigue est campée il y a 3000 ans sur une planète vers laquelle il faut se rendre en chevauchant un balai magique. Et où l'on découvre enfin, en cette Pandora du Milieu, un peuple zen constitué de schtroumpfs alanguis cherchant une bague.

Question 3. Parce qu'un texte critique ne s'adresse pas uniquement non plus aux admirateurs présumés d'un film. Prenons un exemple, tout à fait au hasard, un long métrage dont vous avez peut-être entendu vaguement parler: Le journal d'Aurélie Laflamme. Je suis de ceux qui, bien que ne faisant pas du tout partie du public-cible, ont quand même trouvé le truc amusant, charmant et sympathique. Et d'évidence plus accompli qu'À vos marques... party!, auquel il sera inévitablement - et avantageusement - comparé. Quand même, cette adaptation cinématographique du roman jeunesse d'India Desjardins, réalisée par Christian Laurence, n'est pas sans défauts. Et si elle risque de satisfaire pleinement le public préado auquel elle est d'abord destinée, il reste qu'on peut quand même se permettre à mon sens un regard plus neutre en tant qu'analyste. Chantal Guy, qui a eu le bonheur de retrouver sa fillette intérieure cette semaine, a accordé dans sa critique une cote supérieure à celle que j'aurais moi-même attribuée. Marc Cassivi, dont la chronique publiée plus tôt cette semaine a suscité quelques réactions sur le web et ailleurs, aurait de son côté octroyé une cote plus basse que la mienne. J'ai pourtant aimé lire les textes de mes deux camarades, l'un autant que l'autre. Pour le style, le ton, les arguments. Quoi qu'on en pense, un critique, avec ou sans affinités, est habituellement en mesure de proposer une analyse crédible, peu importe qu'elle soit partagée ou pas. Et ce, en marge de toute la machine promotionnelle qui roule à plein régime. Celle dont se méfient parfois les vieux bougons.

Quant à la dernière question, je vous suggérerais de commencer par acheter une bonne paire de patins. Pour exercer ce métier, c'est parfois très utile.