Le film commence par un mariage, blanc et sucré comme une meringue, dans une auberge du Connecticut. Et il ne semble jamais se terminer...

Sex and the City 2 se présente comme un conte des Mille et une nuits pour princesses au mitan de la vie en manque de mirages, sur fond musical de Liza Minnelli. C'est, dans les faits, le «conte des mille et un ennuis» de quatre filles délurées devenues des bourgeoises superficielles et matérialistes. (J'emprunte l'expression, délicieuse, à ma collègue Nathalie Petrowski, en la détournant de son sens. Nathalie a plutôt aimé le film; moi, pas le moindrement.)

Le premier long métrage tiré de la pétillante série télé Sex and the City, elle-même inspirée des chroniques de Candice Bushnell, était une orgie de guenilles déguisée en scénario de film, doublée d'une ode éhontée au consumérisme. Les choses ne s'améliorent pas dans cette suite navrante et caricaturale, campée dans la nouvelle capitale de l'opulence, Abou Dhabi.

Sex and the City 2, une nouvelle version édulcorée de la série télé pourtant audacieuse et captivante de HBO, relève encore une fois davantage du spot publicitaire somptueux que de l'oeuvre chargée d'esprit sur le bonheur et le malheur d'être femme.

L'occasion était pourtant bonne. En envoyant Miranda, Charlotte, Samantha et Carrie au Moyen-Orient, aux frais d'un cheik en manque de pub, le scénariste et réalisateur Michael Patrick King aurait pu, avec humour et un brin de témérité, aborder la question de la condition de la femme dans le monde au XXIe siècle.

Son film, malheureusement, ne s'élève jamais au-dessus du publireportage d'hôtel pour gens riches et célèbres, de type Robin Leach ou Canal Évasion, et s'abaisse à faire du burlesque autour du niqab, en répertoriant tous les clichés possibles et imaginables sur l'islam.

Réalisé comme une pub de Reitmans à partir d'un scénario plus mince qu'une porte-parole de yogourt Silhouette, Sex and the City 2 s'appuie sur des intrigues insignifiantes et mal développées, autour de banals problèmes de couples.

Charlotte craint que les charmes de sa nanny sans soutien-gorge ne menacent son mariage, Carrie trouve que Big commande trop de sushis pour emporter, Miranda hésite une minute et quart à démissionner de son emploi et Samantha, sur le retour d'âge, se transforme sous nos yeux en équivalent féminin (et libidineux) d'un personnage de Jerry Lewis.

Nos quatre héroïnes partent en voyage de luxe dans les Émirats arabes unis, prétexte à une multitude de jeux de mots ridicules («Abu Dhabi Do», «The Lawrence of my labia», etc.) et à autant de placements de produits ostentatoires (Cuisinart, Rolex, Mercedes, Valentino, Dior, etc.). Avec pour toute préoccupation un changement de robe aux trois minutes et cette question essentielle pour l'émancipation de la femme: «Comment font les autres mères pour vivre sans nanny?»

Misère. Celle des riches est ici abordée sans gêne aucune, jusqu'au point d'orgue d'un film qui s'étire péniblement pendant près de 2h30: les filles arriveront-elles à temps à l'aéroport afin d'éviter de voyager en classe économique? Horreur! Le suspense est intenable...

Dans cette étude involontairement ironique sur les difficultés de la femme embourgeoisée de s'épanouir en période de récession économique, les marques ne sont plus un accessoire chic, comme elles l'étaient dans la série télé. Elles sont devenues la raison d'être du film, qui n'est pas tant une oeuvre cinématographique qu'un défilé de mode dans le désert.

Exit l'humour caustique, les quiproquos délicieux, la candeur proverbiale et les réflexions tragicomiques de la bande des quatre. Elles étaient spirituelles à la télé. Elles sont vaines au grand écran. D'une vacuité à en redéfinir le terme. La substantifique moelle de la série d'origine a disparu. Ne subsistent que les bons sentiments, quantité de gars échappés d'une revue du 281 et une pile de vêtements griffés. L'équivalent cinématographique d'un roman Harlequin.

La franchise a été dilapidée, son esprit bradé à bas prix, au profit d'une morale bien-pensante que l'on fait passer pour l'expression d'un féminisme post-moderne. Que reste-t-il des réflexions de Carrie sur la vie de couple? L'illusion que les rêves de princesses se réalisent auprès de princes charmants millionnaires, et que l'argent fait le bonheur, même dans les pays où sous le niqab, les femmes portent la dernière collection Louis Vuitton.

>>>Lire aussi la chronique d'Hugo Dumas: La récession? Tous chez Vuitton!

>>>Lire la critique du film par notre journaliste Sofia Sarfati.