La Coupe du monde de soccer commence vendredi prochain. Si vous êtes comme moi, vous comptez les jours et les nuits. Question de se mettre en appétit, voici ma suggestion de films traitant de foot. Rien de mieux que deux passions réunies. 

L'angoisse du gardien de but...

Immobile sur la ligne des buts, le gardien réfléchit. À onze mètres, l'adversaire prend son élan. D'ordinaire, il tire à gauche. Pour brouiller les cartes, il voudra peut-être envoyer le ballon à droite... Faut-il sauter à gauche? Sauter à droite? Rester sur place? L'angoisse du gardien de but au moment du penalty, film séduisant et énigmatique tiré d'un roman de Peter Handke, fut en 1971 le premier film professionnel de Wim Wenders ainsi que le début d'une longue collaboration avec son grand complice et coscénariste des Ailes du désir. Une oeuvre métaphorique sur le sort d'un gardien de but errant, qui fuit les autorités après avoir étranglé une caissière de cinéma.

The Damned United

The Damned United, premier film de Tom Hooper scénarisé par Peter Morgan (The Queen, Frost/Nixon) d'après le best-seller de David Peace, relate le parcours atypique du tacticien surdoué que fut Brian Clough. Le film s'intéresse en particulier au séjour malheureux de Clough comme entraîneur de Leeds United en 1974. Arrivé à Leeds, champion en titre d'Angleterre, le torse bombé, fort de ses exploits à Derby County, Brian Clough (Michael Sheen) fut incapable d'imposer son autorité. Il quitta Elland Road après seulement 44 jours. Il connaîtra, plus tard à Nottingham Forrest, tous les succès, en Angleterre comme en Europe. Une oeuvre fort divertissante, sur les failles et les grandeurs de l'homme, à la mesure d'un personnage coloré et démesuré.

Looking for Eric

Looking For Eric de Ken Loach, grand passionné de soccer, scénarisé par son complice de longue date Paul Laverty, met en scène un postier de Manchester, au bord du gouffre, qui prend des leçons de vie de son idole, le Français Eric Cantona, le plus philosophe des joueurs à avoir porté le rouge sang du mythique club de Manchester United. Ken Loach n'abandonne pas le créneau du réalisme social, mais il traite cette fois de la vie ouvrière sur un registre franchement comique, avec beaucoup d'esprit et de légèreté. Éric Cantona, qui est aussi producteur, n'est pas le plus grand interprète qui soit, mais il fait ici preuve de beaucoup d'autodérision, se jouant de son personnage avec doigté. Sur le même registre du «fan fini», les supporters d'Arsenal préféreront peut-être Fever Pitch (1997) de David Evans, d'après un scénario de Nick Hornby inspiré de son délicieux roman sur un amateur de foot (Colin Firth) dont la vie est régie par son amour des Gunners.

Offside

Offside de Jafar Panahi, interdit de diffusion en Iran, dénonce le sexisme systémique de la société iranienne à travers l'histoire d'adolescentes qui, déguisées en hommes, tentent d'assister à un match de qualification pour la Coupe du monde de 2006. Depuis la révolution islamique de 1979, il est interdit aux femmes iraniennes d'entrer dans les stades les jours de matchs. Film fin sur l'absurdité de la ségrégation des sexes, tourné en temps réel pendant un duel Iran-Bahreïn, Offside a remporté l'Ours d'argent du Festival de Berlin.

Maradona par Kusturica

Portrait iconoclaste d'un révolutionnaire du ballon rond, Maradona par Kusturica est une oeuvre bancale mais fascinante sur un homme d'excès. Ami de Fidel Castro et de Hugo Chavez, pourfendeur de l'impérialisme américain, Maradona se confie à Kusturica, lui-même une icône du cinéma. L'Argentin dira que c'est «avec malice» qu'il a eu l'impression de «voler le portefeuille d'un Anglais» avec sa fameuse main de Dieu au Mondial de 1986. La réalisation du cinéaste d'Underground est brouillonne, certains effets datés, mais on pardonnera ces écarts à celui qui met en image et en musique les meilleurs but du Pibe de Oro au son de God Save the Queen des Sex Pistols. «Emir, tu imagines le joueur que j'aurais pu être si je n'avais pas été accro à la cocaïne?», demande Maradona, qui sera à la tête de la sélection argentine en Afrique du Sud.

Victory

En 1981, John Huston a réalisé ce film dans lequel une équipe d'officiers nazis affronte au soccer une bande de prisonniers alliés dans un camp allemand. Sylvester Stallone garde les buts, Bobby Moore défend, Michael Caine officie au milieu de terrain en compagnie d'Osvaldo Ardiles, et Pelé se paie un ciseau renversé de toute beauté en pointe d'attaque. LE film de foot qui a fait vibrer mon enfance. Pour découvrir Pelé sous un autre jour, celui des flamboyantes années 70, je vous suggère aussi Once in a Lifetime: The Extraordinary Story of the New York Cosmos. L'histoire de l'émergence instantanée, et de la chute aussi brutale, de la NASL.

La coupe

Premier film réalisé par un lama de tradition bouddhique, Khyentse Norbu, La coupe (Phorpa) est l'histoire charmante et comique de jeunes moines en exil dans le nord de l'Inde qui, en marge de leurs activités spirituelles, se passionnent pour la Coupe du monde de soccer. Des garçons et des adolescents ingénieux qui tentent par tous les moyens d'assister, dans un café du village voisin, à la finale France-Brésil de 1998. Portrait attachant, sans prétention, frais et joyeusement révélateur de la vie monastique tibétaine, La coupe a été inspiré d'événements authentiques, tourné dans un monastère tibétain et interprété par des moines bouddhistes.

Zidane: un portrait du XXIe siècle

Ce film de Douglas Gordon et Philippe Parreno, est aussi un portrait, hyper réaliste, sans narration ni artifices, de l'un des plus grands joueurs de son époque. Une vision d'esthète qui surprend par sa retenue et sa sobriété. Gordon et Parreno ont entrepris de filmer sans interruption un match entier de la Liga espagnole en 2005, sous l'angle d'un seul joueur, Zidane, scruté à la loupe par 17 caméras synchrones, en HD et super 35 mm (scope). Un objet cinématographique atypique, contemplatif, magnifiquement photographié, et porté par une trame sonore (signée Mogwaï) aussi mélancolique que la fin d'une grande carrière sportive.