À une semaine de la sortie d'Inception, probablement le film le plus attendu de l'année, il est assez remarquable de constater à quel point tout le milieu du cinéma retient son souffle. À Hollywood, les spéculations vont bon train. Les observateurs et les gens de l'industrie débattent presque autant du nouveau thriller psychologique de Christopher Nolan que de la performance plutôt moyenne de Knight and Day. Et, à sa suite, la dévaluation de Tom Cruise en tant que star de films d'action.

À l'heure où les superproductions visent le consensus en ciblant le public familial, voilà que s'apprête à débarquer dans nos complexes multisalles une production «songée», un «méga» film d'auteur qui exige du public - quelle horreur au beau milieu de l'été - un effort intellectuel. Sur Sunset Boulevard, on a visiblement du mal à croire qu'une oeuvre faisant appel à l'intelligence du spectateur puisse encore attirer les foules. Bonjour le cynisme.

«Au contraire, je crois plutôt que les gens aiment relever des défis, a déclaré la productrice Emma Thomas au cours d'une rencontre de presse à laquelle j'ai assisté à Los Angeles. Ils ne baissent pas les bras devant une histoire plus complexe. Le divertissement et la stimulation intellectuelle ne sont pas incompatibles.»

Je fais partie des privilégiés ayant eu la chance, déjà, de voir Inception. C'est un film absolument brillant, spectaculaire et fin; 2h30 de ravissement pendant lesquelles on va de surprises en étonnements, sans obligatoirement devoir toujours chercher à comprendre.

Christopher Nolan, fraîchement sorti du succès planétaire - critique et populaire - qu'a obtenu The Dark Knight, a réussi le tour de force de créer une formidable rumeur autour de son nouveau film en brisant toutes les règles de marketing habituellement prisées par Hollywood.

À une semaine de la sortie, le mystère reste encore entier. Nolan tient mordicus à ce que le spectateur en sache le moins possible avant d'entrer dans la salle. Très habile, l'auteur cinéaste a quand même concocté une bande-annonce intrigante, visuellement vertigineuse, dans laquelle, pourtant, il ne révèle pratiquement rien. Ce faisant, il a mis les cinéphiles du monde entier en appétit. Rares sont les cinéastes pouvant s'offrir pareil luxe pour une superproduction aussi chère (200 millions de dollars environ). Christopher Nolan, chef de file du cinéma d'auteur hollywoodien, a osé la sobriété publicitaire. Quelque chose me dit que cette stratégie sera payante.

Des artisans de Piché - Entre ciel et terre, on ne peut pas vraiment dire qu'ils aient fait preuve de la même discrétion. Que non. Même s'il ressemble en tous points à ceux organisés pour les productions québécoises dont on attend de grandes choses au box-office, le blitz médiatique de la bande à Piché m'a semblé «intense». Pour dire le moins. Talk-shows, variétés, émissions d'infos, bulletins, chaînes de nouvelles continues, matin, midi, soir, radio, journaux, magazines, web, partout les mêmes extraits, les mêmes propos, les mêmes anecdotes. Pas un seul citoyen en ce pays ignore que le drame biographique décrivant le parcours du célèbre pilote a pris l'affiche cette semaine «dans un cinéma près de chez vous». Pour l'instant, cette stratégie tous azimuts du «partout et tout le temps» semble porter ses fruits. Tout le monde l'emprunte en repoussant sans cesse les limites du seuil de tolérance. Mais y aura-t-il un jour un effet de ressac? Le syndrome du pus capable? Christopher Nolan, visionnaire, a-t-il tenu compte de cette donnée en misant sur sa carte joker? Je n'en serais pas surpris.

Retour sur la goutte de trop

La semaine dernière, j'évoquais dans cette chronique l'impasse devant laquelle se retrouvent les distributeurs locaux quand des sociétés américaines décident d'acquérir aussi les droits de certains films étrangers. Bien évidemment, un distributeur québécois a le champ libre pour mettre en marché comme bon lui semble un film venu d'ailleurs non repêché par les Américains. L'ennui, c'est que ces titres se font désormais plus rares, notamment quand il s'agit de productions prestigieuses et attendues. Parmi les films sortis en nos terres cette année, les distributeurs locaux ont dû se plier aux exigences de nos voisins pour, notamment, Le ruban blanc, Un prophète, Micmacs à tire-larigot, Les herbes folles, sans oublier, bientôt, Le concert et, le cas le plus patent, Mesrine. Le seul titre phare à s'être échappé de cette prison de verre est Gainsbourg (vie héroïque). Comme par hasard, le film de Joann Sfar est sorti chez nous moins de trois mois après avoir pris l'affiche en France.

Précision

Charles Tremblay, directeur général de Métropole Films, me faisait par ailleurs remarquer que sa société de distribution est entièrement indépendante. Dans le cadre de ses opérations, Métropole sous-distribue en effet au Québec les films acquis par la société canadienne Mongrel Media mais elle n'en est pas une filiale pour autant.