Mine de rien, pendant que l'été se la coule chaude et que la majorité des gens profitent de leurs vacances, ça grenouille fort dans les coulisses des grands festivals de cinéma. Deux grands rendez-vous à la rentrée. Venise a dévoilé sa programmation hier; Toronto, une partie de la sienne un peu plus tôt. Sélections alléchantes, comme il se doit. Aronofsky, Kechiche et Sofia Coppola au Lido; Redford, Canet et Winterbottom au bord du lac Ontario. Ou vice-versa. Une fois présentés à Venise, plusieurs titres en garde partagée traversent l'Atlantique pour être montrés dans la foulée à Toronto. Où, rappelons-le, il n'y a pas de section compétitive.

Coïncidence, les deux festivals, qui complètent le carré d'as dans le calendrier après Berlin et Cannes, se sont fait refaire une beauté cette année en misant sur de nouvelles infrastructures. Des rénovations importantes ont été faites au Palazzo del Cinema de Venise. Le TIFF (Toronto International Film Festival) s'apprête de son côté à célébrer son 35e anniversaire en inaugurant les rutilantes installations du Bell Lightbox, son nouveau quartier général.

Extérieurement, le dynamisme des organisations ne fait aucun doute. Mais le contexte est de plus en plus difficile. Le circuit des festivals est très encombré et la compétition, encore plus féroce. À cela s'ajoute maintenant la très grande frilosité du marché. Dans un reportage publié plus tôt cette semaine, le journal Variety a fait justement écho aux craintes des distributeurs. Grands studios et indépendants y penseraient désormais à deux fois avant d'utiliser un festival comme rampe de lancement.

Lors de leur conférence de presse, les organisateurs du TIFF ont d'ailleurs annoncé une programmation moins foisonnante qu'à l'accoutumée, du moins quant au nombre de titres retenus. À mon humble avis, il ne s'agit pas du tout d'une mauvaise nouvelle. Il y a quelques mois, le délégué général du Festival de Cannes, Thierry Frémaux, avait lui aussi affirmé avoir eu du mal à composer sa sélection. Motif de réjouissance pour Venise et Toronto: plusieurs des titres pressentis pour la Croisette, qui n'ont pu sortir dans les délais au printemps, sont maintenant prêts à venir au monde. Cela dit, aux dernières nouvelles, le nouveau Terrence Malick, The Tree of Life, se ferait toujours attendre.

Au-delà de la disponibilité des oeuvres, le rôle des festivals serait aussi en train de changer. Restrictions budgétaires obligent, les studios américains hésiteraient en outre à offrir leurs productions de prestige aux grandes manifestations de la rentrée quand les dates de sortie en salle sont trop éloignées. On veut ainsi éviter les dépenses liées à deux campagnes de promotion distinctes.

À une époque où l'intellectualisme constitue la pire des insultes, certains distributeurs ne veulent pas nécessairement non plus accoler le mot «festival» à un de leurs titres. Pas question de «gâcher» la carrière d'un poulain en salle en lui imposant une étiquette «film d'auteur» comme une malédiction.

L'époque dans laquelle nous vivons est décidément bien étrange.

Le temps des choix

Qu'en est-il de Montréal, dans tout ça? Le 34e FFM aura lieu dans moins d'un mois. On sait encore peu de choses. Il ne fait l'objet d'aucune spéculation dans les journaux spécialisés que consultent les professionnels du cinéma. Route 132, de Louis Bélanger, en ouverture (bon choix); Tromper le silence, de Julie Hivon, en compétition (le FFM est toujours utile aux films québécois); un cinéaste de renom (Bille August) à la présidence d'un jury crédible (Anne-Marie Cadieux, Édouard Molinaro, etc.); deux stars féminines européennes honorées (Nathalie Baye et Stefania Sandrelli). L'ensemble de la programmation sera annoncé le 10 août au cours d'une conférence de presse où les titres inconnus défileront pêle-mêle comme une litanie.

Depuis le fiasco d'il y a cinq ans, alors que les institutions ont lamentablement échoué dans leur tentative de mettre sur pied un autre festival généraliste pour remplacer le FFM, Montréal est complètement déplumé à l'international. Et n'a plus aucune chance, dans le contexte actuel, de rivaliser avec les grands de ce monde.

Mon collègue Brendan Kelly, de The Gazette, a récemment avancé l'idée - de plus en plus prisée - selon laquelle le salut de Montréal devait passer par les festivals occupant un créneau particulier. Le succès de Fantasia, qui a attiré plus de 100 000 spectateurs cette année, tend à lui donner raison. Mieux vaut en effet se démarquer avec un festival spécialisé à caractère unique que d'entrer en concurrence avec des acteurs beaucoup trop costauds.

Il n'est toutefois pas dit que Téléfilm Canada et la SODEC partagent cette vision des choses. C'est bien là le problème. Mais combien de temps encore peut-on tolérer le statu quo?