Je l'ai beaucoup entendu cette semaine. De l'avis général, ceux qui exercent le métier de critique et de chroniqueur devraient voir les films dans des conditions «normales», c'est-à-dire dans une salle remplie de «vrai monde», et non à la faveur de projections organisées pour eux, où ils ne sont souvent qu'une poignée devant l'écran. Cette doléance revient de façon récurrente, particulièrement quand il s'agit d'une comédie destinée au grand public.

Désolé de vous contredire, mais cela n'a rien à voir. Je peux vous confirmer par expérience que cette manière très hollywoodienne de voir les choses est un leurre. Il m'arrive en effet souvent d'assister à des séances du genre à Los Angeles ou à New York. Dans les rencontres de presse organisées par les grands studios, les projections destinées aux journalistes invités se font toujours - sauf rares exceptions - avec du public (invité aussi).

La plupart de ces séances ne commencent pratiquement jamais avant une bonne vingtaine de minutes de retard, histoire de remplir le moindre siège dans la salle. Probablement parce qu'on croit que la réaction du fameux public - souvent gagné d'avance - peut avoir un effet d'entraînement sur ces rabat-joie de journalistes, on encourage parfois l'enthousiasme au point où il en devient presque suspect. De là à soupçonner la présence de gens «mandatés» pour applaudir ou pour rire un peu plus fort (comme à l'enregistrement d'une émission de télé), il n'y a qu'un pas. Que nous ne franchirons évidemment pas.

Le fait de voir des spectateurs se bidonner autour de moi peut-il influer sur mon sens critique d'une manière ou d'une autre? Euh... non. Parfois, je me bidonne comme tout le monde. D'autres fois, non. Contrairement à ce que l'on voudrait nous faire croire, le rire n'est pas toujours contagieux. On peut s'esclaffer tout seul comme un fou dans sa cuisine (comme je l'ai fait lorsque j'ai vu la caricature de Chapleau, hier), ou rester de glace au milieu de gens au visage écarlate qui se tapent sur les cuisses en se donnant des bines mutuelles tellement la drôlerie les emporte. Le rire est instinctif. Et personnel. Il n'a pas besoin de la reconnaissance de l'autre pour être déclenché. Tout comme les carences d'un film ne peuvent être masquées par un élément extérieur - la réaction expressive des spectateurs - qui n'a rien à voir avec l'oeuvre elle-même.

Et puis, le «vrai monde» commence à avoir bon dos. Un gars de construction épris de culture, un Tremblay «bien de chez nous», m'a écrit cette semaine pour me signaler à quel point il en avait ras-le-bol de ce discours populiste qui s'appuie sur les goûts présumés du «vrai monde».

«J'aime la culture et je n'ai pas la prétention d'afficher une quelconque érudition dans aucun domaine, écrit mon nouvel ami, Frédéric. Oui, la classe moyenne s'appauvrit, et le tout commence par l'accès à une culture de plus en plus médiocre. Qu'il s'agisse de films produits en vue d'un succès potentiel au box-office ou d'animateurs susceptibles d'attirer un auditoire en raison de leur soi-disant popularité, l'intention est similaire. Je me sens davantage considéré comme un niais que l'on abrutit avec une insipide matière culturelle. Bref, il y a quelque chose de tendancieux dans toute cette idéologie, disons-le, populiste des médias et de leurs décideurs.»

Ben voilà. Et ce n'est même pas un journaliste qui le dit.

On reprend du poil?

La direction du Festival des films du monde a multiplié les annonces intéressantes au cours des dernières semaines: Bille August à la présidence du jury; hommages à Nathalie Baye et Stefania Sandrelli; sélection de Route 132 (Louis Bélanger) en ouverture et de Tromper le silence (Julie Hivon) dans la compétition; classe de maître de Gérard Depardieu; présentation en première nord-américaine de Bus Palladium (Christopher Thompson) et de La princesse de Montpensier (Bertrand Tavernier), lequel a été choisi pour clôturer l'événement... Même si les deux sélections françaises se révèlent décevantes (Bus Palladium, avec Marc-André Grondin, est plutôt faible, et La princesse... croule sous l'académisme bon teint), il reste qu'on ne peut blâmer les organisateurs d'avoir sélectionné ces oeuvres quand même dignes d'intérêt. Il faudra pourtant attendre mardi - jour de l'annonce de la programmation - pour savoir si le FFM a véritablement repris du poil de la bête. La qualité - et l'importance - d'un festival international de grande catégorie se mesure toujours, rappelons-le, à la renommée des films - et des cinéastes - qu'il parvient à attirer en compétition officielle, tout autant qu'à celle des titres obtenus en primeur. On retient encore son souffle.

En attendant, je m'offre deux petites semaines de vacances avant la rentrée. Cette chronique sera de retour le 27 août. Bon cinéma!