Louis Bélanger aime le Festival des films du monde, qui le lui rend bien. Le cinéaste de Post Mortem a remporté au FFM le prix de la mise en scène pour son premier long métrage en 1999, puis le Grand Prix spécial du jury pour Gaz Bar Blues, qui ouvrait le Festival en 2003.

Son plus récent film, Route 132, road movie sur le thème du deuil, était présenté hier en ouverture du 34e Festival des films du monde. Un coup d'envoi réussi pour un événement qui semble retrouver le calme après des années de tempête.

Route 132, coscénarisé par Bélanger et Alexis Martin dans la veine intimiste de Gaz Bar Blues, est porté par une mise en scène soignée, des images somptueuses du Bas-du-Fleuve (signées Pierre Mignot) et le jeu sobre et émouvant d'une distribution de grand talent.

François Papineau, dans le rôle d'un père en déroute après la mort de son fils de 5 ans, est particulièrement remarquable. Le poids du deuil se lit sur son visage, avec grande finesse.

Gilles (Papineau) fuit Montréal en apprenant la mort de son enfant. Il prend la route avec un ami d'enfance, Bob (Alexis Martin), petit magouilleur rencontré par hasard dans un bar. Leur voyage pas du tout tranquille le long du fleuve, à la recherche d'une raison de vivre, les mène d'un braquage de guichet automatique à une fête foraine, à la maison d'une vieille tante (Andrée Lachapelle).

Road movie identitaire, Route 132 est un film de subtilités, constamment en équilibre entre le tragique et le comique. La connivence marquée entre Papineau et Martin, aussi bien dans le drame que la comédie, n'empêche pas quelques ruptures de ton, voulues par les auteurs afin d'alléger le récit. Certaines situations burlesques (dans les stéréotypes «campagnards» notamment) retardent cependant l'envol dramatique du film. Comme si les scénaristes eux-mêmes avaient hésité, à l'instar de leur personnage, à affronter directement le deuil.

«Nous avons été très vigilants et nous nous sommes souvent remis en question, a convenu hier Louis Bélanger à l'occasion d'une conférence publique peu courue, au Complexe Desjardins. Alexis et moi, nous nous étions entendus: on ne voulait pas une chape de plomb. On ne voulait pas assommer les spectateurs. L'humour est un exutoire. Il apporte de la dignité dans l'adversité.»

«Au Québec, on adore notre malheur. On en rit!» renchérit à la blague François Papineau, pour qui le «bon dosage d'émotion» a été une préoccupation constante pendant le tournage. «Ce n'est pas évident de transformer en émotion humaine sur pellicule une émotion décrite sur papier, même pour nous qui sommes rompus à ça», dit-il.

Route 132 a beau être un rare film québécois sur le thème du deuil d'un enfant du point de vue du père, Louis Bélanger refuse l'étiquette de «film sur le deuil». «Il n'est pas question que de deuil. C'est aussi une quête de bonheur», dit-il. «Pour moi, c'est aussi un film politique, déclare Alexis Martin. Un film sur la mort d'un certain pays, sur des villages en deuil de leurs enfants et de leur jeunesse.»

Une scène a d'ailleurs été tournée dans la maison abandonnée de la grand-mère d'Alexis Martin, au bord de la route 132. Les coscénaristes, qui ont abondamment puisé dans les souvenirs d'enfance de Martin (et leur expérience de pères de jeunes enfants), ont fait le même trajet que leurs protagonistes vers le Bas-du-Fleuve trois ou quatre fois pendant l'écriture du scénario, qui s'est échelonnée sur quatre ans.

Les voyages en ont valu la peine. Route 132 est un beau film (malgré son horrible affiche), fin et touchant, parsemé de répliques savoureuses - mais aussi de quelques dialogues appuyés - qui donnent le ton à une compétition mondiale que l'on souhaite relevée. À suivre.

Guerre Toronto-Montréal (soupir)

Sur la sempiternelle et lassante question de la rivalité (beaucoup plus fictive que réelle, il faut le préciser) entre les festivals de Toronto et de Montréal, Louis Bélanger a eu ces mots sages: «Ce sont des festivals avec différents objectifs. Le FFM a été très bon pour moi comme rampe de lancement. Depuis 15 ans, les guerres de festivals me dépriment. À mon avis, plus il y a de festivals, mieux c'est.»