Maria Anna Mozart avait, à un très jeune âge, un talent prodigieux pour la musique. Claveciniste précoce formée par son père compositeur, on ne la considéra pourtant jamais comme une virtuose, au même titre que son frère cadet Wolfgang.

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Condamnée à jouer les seconds violons pour son tout jeune frère, qu'elle accompagnait au chant et au clavecin, celle que l'on surnommait Nannerl, sacrifiée en quelque sorte par son père, ne put jamais donner la pleine mesure de son talent.

C'est la thèse que défend René Féret dans son film Nannerl, la soeur de Mozart, présenté hier en compétition mondiale du FFM. Inspiré des tournées européennes de la famille Mozart entre 1763 et 1766, cette fiction historique se présente d'une certaine manière comme une revanche de Nannerl sur son destin.

Le film n'aborde que son adolescence: Nannerl mourra à 78 ans, aveugle et désoeuvrée, ayant été contrainte de marier un veuf, père de cinq enfants, qu'elle n'aimait pas. Elle consacra sa vie à rassembler les oeuvres de son frère pour la postérité.

Au XVIIIe siècle, l'on ne pouvait concevoir qu'une femme soit compositrice. Aussi, Léopold Mozart interdit à sa fille d'étudier la composition. Dans sa fiction, René Féret imagine une amitié entre la plus jeune fille de Louis XV et Nannerl, ainsi qu'une amourette entre celle-ci et le dauphin du roi, mélomane qui l'incite à composer.

Le film imagine une tranche de vie dans celle des Mozart, d'une manière bon enfant qui n'exclut pas par exemple l'humour de toilettes. «On dit que tu es génial, mais en réalité, tu es un imbécile», dit Nannerl, sur un ton badin, à son frère prodige.

Tourné de manière minimaliste, avec visiblement peu de moyens, le film de René Féret, un cinéaste français farouchement indépendant (il produit ses propres oeuvres), n'est pas sans charme. Mais c'est une partition statique, qui multiplie les fausses notes: le jeu est souvent approximatif, le montage multiplie les champ-contrechamp, la caméra est bringuebalante, etc.

Nannerl ne peut jouer du violon, qui n'est pas un instrument «convenable pour une jeune fille» selon Léopold Mozart. «Je suis condamnée à subir la préférence de mon père», dit-elle. Les filles de René Féret, en revanche, sont très présentes dans son film: Marie Féret incarne Nannerl, et sa soeur Lisa, Louise de France. Son fils Julien est par ailleurs premier assistant réalisateur et sa femme Fabienne, monteuse. Une histoire de famille...

Venise au temps de la guerre

Wenecja (Venise), du cinéaste polonais Jan Jakub Kolski, était aussi présenté en compétition mondiale hier. Cette chronique familiale se déroule au début de la Seconde Guerre mondiale, dans une campagne polonaise, où une famille bourgeoise a trouvé refuge, à l'abri de la guerre, presque coupée du monde.

La Venise du titre se présente comme une vision métaphorique, un rêve inaccessible. Pour Marek, surtout, garçon de 11 ans qui rêve de la Sérénissime, où toute sa famille sauf lui a ses habitudes.

Son rêve relève pratiquement de l'obsession. Aussi, lorsque la menace imminente d'une guerre repousse une nouvelle fois son projet de voyage, et que son père est envoyé au front, il trouve le moyen de recréer Venise dans le sous-sol inondé du château en décrépitude de sa tante.

Cet univers parallèle, ce microcosme vénitien, où ses trois tantes, sa mère et ses cousines viennent célébrer le carnaval, semble être un havre de paix à l'écart de la guerre. Mais bientôt, le conflit mondial s'insinue dans la maison. Et le récit, jusque-là indolent, s'accélère confusément.

«Le cinéma est la religion la plus sensible du monde», déclarait hier Jan Jakub Kolski avant la projection. Son film, académique, est fait d'élans poétiques, de belles images baignant dans une lumière dorée. Mais c'est une vision esthétisée du temps de guerre, une vision distanciée, qui éloigne le spectateur de l'émotion brute. Un parti pris esthétique qui sacrifie à la puissance évocatrice des personnages. Ceux-ci demeurent unidimensionnels, abstraits, froids, sans profondeur. Wenecja eût été un autre film s'il nous avait été permis de percer leur mystère.