Je n'ai pu faire autrement que d'esquisser un sourire en lisant l'entretien-fleuve qu'a accordé Catherine Deneuve aux Inrocks récemment. Très présente dans les médias français cette semaine, à la faveur de la sortie en salle de Potiche (le très réjouissant film de François Ozon présenté à Cinémania dimanche), l'icône porte toujours sur le cinéma un regard très pertinent. Et se prononce en outre sur un phénomène dont l'ampleur semble s'accentuer davantage d'année en année: celui de l'acteur devenu cinéaste.

«C'est trop facile pour un acteur de réaliser un film, confie-t-elle au journaliste Jean-Marc Lalanne. Il est connu, alors on lui apporte le financement sur un plateau. Ça donne souvent des films bien faits, parce que produits confortablement, mais sans grand intérêt. Le cinéma, pour moi, n'a jamais consisté à simplement raconter une histoire en la filmant correctement. Il faut un peu plus que ça quand même.»

Je ne sais si elle le fait exprès, mais mademoiselle Deneuve me donne toujours une raison de l'aimer davantage...

La problématique qu'elle soulève dans son observation trouve aussi un fort écho chez nous - d'où le sourire - alors que la question du «qui a le droit» s'est maintes fois posée. L'orientation résolument «commerciale» prisée par nos institutions a en effet entraîné à sa suite un bon lot de têtes d'affiche ayant fait leur marque dans le domaine du spectacle ou de la télévision. De sorte qu'avec ce principe de vases communicants, la forme cinématographique et l'approche télévisuelle ont de plus en plus de mal à se distinguer l'une de l'autre.

L'acteur Marc-André Grondin, qui s'intéresse à tous les aspects techniques d'un film quand il évolue sur un plateau, me racontait récemment sa volonté de peut-être s'adonner à la réalisation un jour. Mais pas tout de suite. Il estime devoir atteindre le niveau de connaissances nécessaire avant de passer à l'acte.

«Au Québec, c'est une chance de pouvoir faire un film, faisait-il remarquer. Voilà pourquoi il est important de bien faire les choses, surtout par respect pour les cinéastes qui n'ont pas obtenu de financement. Je suis bien conscient que si, demain, je dépose un projet de film, j'ai 800 fois plus de chances de décrocher du financement qu'un gars sorti de Concordia il y a huit ans. Et qui, depuis, fait du clip et de la pub pour vivre. Ce n'est pas normal!»

Est-ce à dire qu'un acteur n'est pas légitimement habilité à signer une réalisation? Bien sûr que non. L'histoire du cinéma est jalonnée de grands films réalisés par des cinéastes ayant d'abord fait carrière devant la caméra. À Hollywood, ils jouissent même d'un préjugé favorable. Au cours des récentes années, plusieurs d'entre eux ont décroché l'Oscar de la meilleure réalisation, parfois même bien avant des cinéastes plus chevronnés. Robert Redford devant Martin Scorsese, Ron Howard devant Robert Altman, sans oublier les Warren Beatty, Kevin Costner, Mel Gibson, et autres Clint Eastwood.

Mais faire un film est une chose. Faire un coup de pub en est une autre. C'est là toute la différence.

Les choix du public

The Twilight Saga - Eclipse a recueilli pas moins de huit nominations en vue de la prochaine cérémonie des 37es People's Choice Awards, qui se tiendra le 5 janvier 2011. Pour déterminer les gagnants, seul le vote populaire compte. Aucun professionnel, aucune académie, aucune association-machin ne vient se mêler des résultats. La démarche est claire, légitime, et a pour but de mettre en valeur des produits culturels bénéficiant déjà d'une imposante machine promotionnelle. Des lauréats prévenus d'avance (ceux qui ne sont que «nommés» ne se présentent généralement pas) viendront vous dire avec force trémolos dans la voix à quel point le trophée qu'ils brandissent à bout de bras est le plus important à leurs yeux. «Parce qu'il est remis par le public.» Mais n'en croyez pas un traître mot. À Hollywood, un cinéaste rêve d'un Oscar; un comédien à la télévision vendrait père et mère pour mettre le grappin sur un Emmy; et un musicien donnerait son âme au diable s'il était assuré d'un Grammy en retour. Pourquoi? Parce que ces statuettes, remises par des pairs, constituent de loin les plus prestigieux trophées dans leur domaine respectif. Elles célèbrent la valeur artistique d'une oeuvre, peu importe sa carrière commerciale. Et symbolisent le summum de l'excellence.

Je dis ça de même...