Douze nouveaux films prendront l'affiche à Montréal la semaine prochaine. Dont cinq mercredi. Même si nous avons déjà célébré l'Action de grâce le mois dernier chez nous, notre saison cinématographique se colle plutôt à celle du calendrier américain.

Chez nos voisins du Sud, la «Thanksgiving» annonce la dernière ligne droite. Et entraîne avec elle son lot de productions plus artistiquement ambitieuses, destinées à séduire les membres des différentes associations professionnelles et de critiques. Cible privilégiée: les augustes académiciens.

Déjà, les publications spécialisées y vont de leurs prédictions en vue de la prochaine soirée des Oscars. Elles préparent le terrain en choisissant des oeuvres et des artisans qui, à leur avis, sont déjà dignes d'une nomination «assurée».

On peut sourire quand on voit apparaître dans ces listes des films que personne n'a encore vus (How Do You Know de James L. Brooks, True Grit des frères Coen), mais il reste que la plupart des films «oscarisables» ont déjà pris l'affiche en salle. Ou alors, certains d'entre eux ont été montrés dans différents festivals (Telluride, Toronto, New York, etc.). Pour l'instant, les trois leaders incontestables seraient The King's Speech de Tom Hooper (à l'affiche le 10 décembre), The Social Network de David Fincher et Inception de Christopher Nolan. Évidemment, on fait ses choux gras des «rivalités» qui pourraient survenir dans certaines catégories. Certains fantasment même déjà sur un nouveau match-revanche entre Annette Bening et Hilary Swank. La vedette de The Kids Are All Right a déjà vu la tête d'affiche de Conviction lui «ravir» l'Oscar à deux reprises.

Mais il y a encore bien loin de la coupe (de champagne) aux lèvres (lustrées de gloss). Même si la cérémonie se tiendra le 27 février, une semaine plus tôt que l'an dernier, l'Académie semble accuser un peu de retard sur son programme. À l'heure qu'il est, on ne sait même pas qui animera la soirée. Dans le Hollywood Reporter, on faisait remarquer cette semaine que cette annonce avait pourtant été faite au début du mois de novembre l'an dernier.

Comme le tandem Steve Martin - Alec Baldwin n'a pas obtenu le succès escompté, on aurait voulu se tourner de nouveau vers Hugh Jackman, remarquable dans ce rôle. Mais le suave acteur aurait décliné. Dans ces circonstances, le choix d'un animateur ou d'une animatrice revêt un caractère délicat. Les «valeurs sûres» (Allô? Billy Chrystal?) n'ont peut-être plus intérêt à remettre en jeu leur excellente réputation.

De leur côté, les animateurs dotés d'un humour plus caustique (Chris Rock, John Stewart) ne font pas merveille dans un contexte où les cotes d'écoute accusent un net recul depuis quelques années. Cela dit, la cérémonie de l'an dernier, pendant laquelle The Hurt Locker l'a finalement emporté sur Avatar, a attiré un auditoire de 41,3 millions de téléspectateurs aux États-Unis, une augmentation de 14 % par rapport à l'année précédente. Ce qui laisse croire que la nature des films en lice a finalement bien plus à voir avec le succès de la soirée que la qualité de l'animation. Ou même du spectacle dans son ensemble.

Stratégie, stratégie...

Petite discussion cette semaine avec Guy A. Lepage par l'entremise de quelques gazouillis sur Twitter. La covedette de L'appât déplorait cette manie qu'ont les journaux d'annoncer des projets de films n'ayant pas encore obtenu de financement auprès des institutions. «C'est comme si je disais que j'espérais m'acheter une maison en 2012 si je la trouve et si je trouve l'argent!»

Il a raison. Sauf qu'il y a quelque part des gens bien informés qui fournissent ce type de nouvelles «en exclusivité» aux uns et aux autres. Et cela n'a rien d'innocent. En dévoilant publiquement ses intentions, un producteur bénéficie d'une visibilité médiatique qui, peut-être, mettra les décideurs dans de meilleures dispositions, particulièrement à l'égard de productions dont les visées commerciales sont clairement établies.

Est-ce que la stratégie fonctionne? Seuls ceux ayant pour mandat d'évaluer les différents projets pourraient répondre à cette question. Comme la technique est presque systématiquement utilisée par les sociétés de production, il y a tout lieu de croire que le taux de réussite doit être assez élevé. Mais pas toujours. En 2004, une conférence de presse avait été organisée pour annoncer un projet en attente de financement, une adaptation cinématographique de Putain, roman à succès de la regrettée Nelly Arcan. Six ans plus tard, on attend toujours.