Même si les hivers québécois ne ressemblent pas aux hivers plus tempérés de Berlin, le public de la Berlinale est tombé sous le charme d'En terrains connus, nouveau film de Stéphane Lafleur, lors de sa première mondiale au Kino Arsenal de Berlin vendredi.

Les 300 spectateurs ont non seulement longuement applaudi cette fable sur l'hiver de force québécois, campée dans une banlieue glauque et anonyme, ils ont aussi ri aux éclats à plusieurs reprises. De toute évidence, ils ont été touchés par cette histoire un brin loufoque d'une femme (Fanny Mallette) et de son frère (Francis La Haye) qui passent tous les deux un très mauvais hiver jusqu'à ce qu'un homme du futur vienne les réunir.

Lancé à Venise, le premier film du jeune réalisateur de Saint-Jérôme, Continental, un film sans fusil, avait démarré sa carrière en lion. Son deuxième opus semble aussi bien parti puisque En terrains connus est le seul long métrage canadien à faire partie de la sélection officielle de la Berlinale. Les organisateurs l'ont inscrit dans la prestigieuse section Forum, consacrée aux talents émergents du monde entier.

Pour l'occasion, le réalisateur de 34 ans ne portait ni cravate ni smoking, mais il était accompagné par une importante délégation de collègues et amis, dont les producteurs Luc Déry et Kim McCraw et les comédiens Fanny Mallette, Francis La Haye et Dominique Pétin.

À la fin de la projection, le public est resté un long moment pour poser des questions et lancer des fleurs au cinéaste. D'entrée de jeu, Stéphane Lafleur a décrit son long métrage ainsi: «Dites-vous que le thème central de ce film, c'est de défier le destin comme dans Terminator 1, mais avec un plus petit budget.»

À un spectateur qui lui a demandé si son film constituait une défense du fait français au Québec, il a répondu que tourner un film en français au Québec revenait à se porter à la défense du fait français. «Montréal est en train de devenir de plus en plus bilingue et ça, ce n'est pas bon pour ceux qui veulent continuer à parler et à créer en français.»

«Est-ce que le français parlé par vos personnages est un français normal?» lui a demandé une spectatrice, question qui lui a été posée de nouveau le lendemain lors d'une projection devant près de 500 spectateurs. «Tout à fait normal, a-t-il répondu en souriant. C'est le français qu'on parle au Québec. Pas celui de Paris.»

Le plus beau compliment est venu d'un vieil homme qui a dit à Lafleur qu'il avait réussi un tour de force en réalisant une comédie sur l'isolement et l'aliénation sans faire un film froid et cynique, mais plutôt un film humain et chaleureux.

Lafleur et sa bande ont quitté le cinéma en flottant sur un nuage, fin prêts à répéter l'exercice pour les trois autres projections publiques, dont la dernière a lieu aujourd'hui.