L'année cinéma 2010 prend officiellement fin dans deux jours. La cérémonie des Génie hier, et celle des Jutra dimanche, ferment en effet la marche d'une saison de remises de prix qui aura pratiquement duré trois mois. Denis Villeneuve ne sera certainement pas fâché de voir se calmer un peu le maelström dans lequel il a été entraîné depuis la présentation d'Incendies à la Mostra de Venise. De nature discrète, ne cherchant habituellement pas le feu des projecteurs, l'auteur cinéaste québécois aura néanmoins traversé toute cette folle aventure avec grâce et élégance. Même si quelques semaines de promo figurent encore sans doute à son programme (Incendies prend l'affiche le mois prochain aux États-Unis), Villeneuve pourra ensuite - enfin - entamer l'écriture d'un prochain scénario.

La saison des récompenses étant terminée, les cinéphiles se tournent maintenant vers la prochaine grande étape de l'année cinéma. Même si le Festival de Cannes n'a lieu que dans deux mois (du 11 au 22 mai), les spéculations vont bon train. L'exercice est très enthousiasmant à faire cette année car les sélectionneurs du plus prestigieux festival de cinéma du monde auront l'embarras du choix pour composer leurs programmes.

Contrairement à l'an dernier, où le délégué général Thierry Frémaux n'avait pas caché sa difficulté à construire sa sélection, plusieurs des cinéastes les plus réputés du monde auront un nouveau film à proposer. Seulement du côté des habitués, on compte Pedro Almodóvar (La peau que j'habite), Lars von Trier (Melancholia), Nanni Moretti (Habemus Papam), Luc et Jean-Pierre Dardenne (Les gamins du vélo), Aki Kaurismaki (Le Havre), Alexandre Sokourov (Faust), Nuri Bilge Ceylan (Il était une fois en Anatolie), Mathieu Kassovitz (L'ordre et la morale), Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud (Poulet aux prunes), Wong Kar-wai (The Grand Master), Lou Ye (Chienne) et Brillante Mendoza (Captured). Pour ne nommer qu'eux...

Il semble maintenant aussi acquis que The Tree of Life de Terrence Malick, le film le plus attendu de l'année par les cinéphiles, sera inscrit en compétition officielle. Vraiment, quel beau casse-tête!

Toutes les publications spécialisées y vont bien entendu de leurs pronostics. À la rédaction des Inrocks, on déplore le fait que le nouveau film de David Cronenberg, A Dangerous Method, ne puisse être prêt à temps. En revanche, on précise que, du côté canadien, on peut parier sur Take This Waltz de Sarah Polley, qui avait grandement impressionné avec son premier long métrage Away From Her, mais aussi sur Bashir Lazhar de Philippe Falardeau («si le film est terminé», précise-t-on). Nous sommes encore bien loin d'une sélection, mais si le titre commence à circuler dans les médias étrangers, il y a quand même lieu d'y voir un bon signe.

Thierry Frémaux annoncera le contenu de sa sélection officielle (compétition, hors- concours, les films d'Un certain regard) vers la mi-avril. Les jours suivants, les sélectionneurs de la Quinzaine des réalisateurs et de la Semaine de la critique, deux sections parallèles, en feront de même. Toutes sections confondues, il n'y aura guère plus d'une centaine de longs métrages invités au bal. D'où le caractère très sélectif de l'événement.

Rappelons que le 64e Festival de Cannes s'ouvrira le 11 mai avec Midnight in Paris, le plus récent film de Woody Allen. Robert De Niro présidera le jury des longs métrages; Michel Gondry celui des courts et de la Cinéfondation. Mélanie Laurent sera la maîtresse des cérémonies d'ouverture et de clôture. Dire qu'on a hâte est un banal euphémisme.

Méchant, méchant Dolan!

Le même jour où The New York Times lui consacrait un article important, Xavier Dolan se faisait taper sur les doigts par les mollahs du Conseil québécois du tabac et de la santé. L'organisme a en effet attribué son très percutant prix «Cendrier» au film Les amours imaginaires. Parce que la cigarette y apparaît en moyenne «toutes les 59 secondes» et qu'il véhicule une image «cool et glamour» du tabagisme auprès des jeunes.

Il est certain que M. Dolan, sensible comme tous les cinéastes à ce genre de remontrances, prendra acte de son irresponsabilité. On ose espérer que grâce à cette sanction, il y pensera dorénavant à deux fois avant de montrer à l'écran un personnage de fiction s'adonnant à ce vice monstrueux. Après tout, notre belle jeunesse ne demande qu'à être protégée d'elle-même en attendant que passe la fâcheuse maladie dont elle est atteinte. Misère.

Dans sa chronique d'hier, l'ami Cassivi rapportait les inquiétudes de Philippe Falardeau à propos de la nouvelle mouture de La course autour du monde, mise sur pied par le Canal Évasion. Le réalisateur de C'est pas moi, je le jure! évoquait notamment «l'ère de l'infantilisation» dans laquelle nous sommes plongés. Ces prix «Oxygène et Cendrier», attribués par les savants bonzes du Conseil, en sont la parfaite illustration. À vrai dire, cette rectitude politique extrême empoisonne l'existence bien davantage que le produit à proscrire. Si ça se trouve, ces inepties moralisatrices engendreront peut-être même de nouvelles vocations de fumeurs à force de faire appel directement à notre esprit de contradiction. On s'en grille une?