Lorsque Lady Chatterley fut sacré meilleur film français de l'année 2006 à la cérémonie des Césars, la réalisatrice Pascale Ferran avait livré un vibrant discours dont l'écho a beaucoup retenti au sein de la profession. Elle déplorait notamment la mise en place d'un système de production menant à la disparition progressive de «ces films du milieu», c'est-à-dire, ces longs métrages produits avec un budget conséquent, sans toutefois pomper les dizaines de millions de dollars comme les productions destinées au plus large public.

D'après un récent article du journaliste américain Oliver Lyttleton, publié sur le site d'IndieWire, la notion du «film du milieu» existerait aussi à Hollywood. Et mériterait d'être étudiée davantage. Dans un même souffle, Lyttleton suggère aux stratèges hollywoodiens de ne pas écarter d'emblée le public plus mûr, avide d'histoires plus consistantes à travers lesquelles peuvent être abordés des thèmes, disons, plus «sérieux». Hollywood étant visiblement résolu à proposer désormais une offre susceptible de plaire uniquement au jeune mâle «surhormoné», âgé de 14 à 25 ans, il y a fort à parier que cet appel soit peu entendu.

Les performances décevantes des superproductions proposées jusqu'ici en 2011 tendent pourtant à donner raison au journaliste. En prenant pour exemples The Green Hornet, Battle Los Angeles, Mars Needs Moms, et Sucker Punch, des productions onéreuses n'ayant pas obtenu le succès escompté, le scribe avance qu'il serait peut-être temps pour les bonzes de revoir leur position. Ils y gagneraient peut-être même au change.

Des «films du milieu», produits à l'intérieur du système hollywoodien (The Social Network, True Grit, The Adjustment Bureau), ont été, de fait, beaucoup plus rentables, compte tenu des budgets plus modestes avec lesquels ils ont été produits. Plus nombreux encore sont les «films du milieu» à succès distribués par des studios spécialisés: The Lincoln Lawyer, Limitless, The King's Speech, Black Swan, The Fighter. Ces productions destinées à un public non obligatoirement friand d'effets spéciaux et de pétarades sont quand même parvenues à se faire une niche enviable, même si le marché leur est plutôt hostile. Et ont su attirer les adultes. À cet égard, il convient de souligner que la ridicule initiative de Harvey Weinstein, patron de The Weinstein Company (dont les films sont relayés chez nous par Alliance Vivafilm), pour tenter d'attirer le plus jeune spectateur vers The King's Speech s'est soldée par un échec. Le public adulte n'a pas voulu voir une version «PG 13» expurgée de ses mots de quatre lettres (à l'affiche depuis la semaine dernière); et les moins de 17 ans n'ont pour la plupart rien à cirer d'un tel film de toute façon. Avec ou sans «fuck».

Dans une industrie où rien n'est prévisible, surtout pas l'envie d'un spectateur de voir tel ou tel film, il reste que cette idée reçue selon laquelle le public se ruera automatiquement en masse vers une production dont il connaît tout d'avance ne tient plus la route. Dans le programme des grands studios, on trouve pourtant peu de titres susceptibles d'intéresser ceux qui fréquentent les salles de cinéma pour voir autre chose que des pitounes, des monstres et des gros chars.

Au Québec, cette propension à vouloir monter des projets sur la seule foi de la notoriété de ses vedettes est aussi mise à rude épreuve sur le plan des résultats. L'an dernier, Piché - Entre ciel et terre fut la seule production à vocation populaire à avoir «livré la marchandise». Les trois premiers mois de l'année 2011 ne sont guère plus reluisants à cet égard. Funkytown mis à part, vu par près de 150 000 spectateurs, les autres «locomotives» du cinéma québécois n'ont pas vraiment pu tirer le train. Angle mort et French Kiss ont, à eux deux, à peine attiré 70 000 spectateurs. En attendant les superproductions estivales (Gerry, Le sens de l'humour, Starbuck, etc.), tous les yeux se tournent maintenant vers Frisson des collines, une chronique d'époque, réalisée par Richard Roy, dont l'une des têtes d'affiche est Guillaume Lemay-Thivierge. Le printemps sera-t-il placé sous de meilleurs auspices? On le souhaite.

De très bonnes nouvelles

Le conseil d'administration du Cinéma Parallèle tiendra ce matin à 11 h une importante conférence de presse à laquelle participeront notamment la ministre de la Culture du Québec Christine St-Pierre, le maire de Montréal Gérald Tremblay, le mécène Daniel Langlois, de même que d'autres intervenants de l'industrie du cinéma. De très bonnes nouvelles seraient annoncées à propos du retour imminent - et permanent - des deux autres salles de l'eXcentris à leur vocation cinématographique. Il serait aussi question des projets d'avenir envisagés pour le temple de la cinéphilie montréalaise. De nouveaux titres ajoutés récemment dans le calendrier des sorties de distributeurs spécialisés dans le cinéma international tendent à laisser croire que la période noire qu'ont dû traverser les admirateurs d'un cinéma plus exigeant pourrait peut-être tirer à sa fin. Ovation.