Sur la première page du magazine, en haut à droite, deux phrases ont tout de suite capté mon attention: «Un film cinq étoiles; un nouveau drame stupéfiant». Intrigant.

Je ne me suis pas douté que ce film «cinq étoiles» était Incendies de Denis Villeneuve, qui a pris l'affiche aux États-Unis vendredi dernier. «Un drame politique stupéfiant pouvant rappeler le cinéma intimiste de Bernardo Bertolucci, Incendies est un film puissant», écrit Joshua Rothkopf dans le Time Out New York, qui consacre une pleine page d'entrevue à Villeneuve et a choisi Incendies comme son «film de la semaine». Ce ne sont pourtant pas les films qui manquent à New York...

La sortie de l'adaptation cinématographique de la pièce de Wajdi Mouawad n'est pas passée inaperçue aux États-Unis le week-end dernier. Incendies obtient une cote impressionnante de 93 % sur le célèbre site internet Rotten Tomatoes, qui fait le bilan des critiques des différents médias nord-américains (la cote d'appréciation du public est tout aussi élevée). Le film est actuellement le deuxième mieux coté par la critique aux États-Unis, selon Rotten Tomatoes, après la comédie satirique américaine Win Win et devant le film français Des hommes et des dieux, de Xavier Beauvois.

On a rarement vu un accueil aussi enthousiaste pour un film québécois au pays de l'Oncle Barack. Selon le baromètre de «fraîcheur» de Rotten Tomatoes, Les invasions barbares de Denys Arcand, lauréat de l'Oscar du meilleur film en langue étrangère, a cumulé une cote aussi très enviable de 82 % depuis 2003.

L'accueil réservé à Incendies est d'autant plus exceptionnel que les médias de référence américains sont quasi unanimes. Le réputé critique du New York Times, A.O. Scott, a fait de cette «chronique d'une impressionnante nuance» son choix de film de la semaine. Sa consoeur du Los Angeles Times, Betsy Sharkey, parle du «meilleur film de Denis Villeneuve» à ce jour.

«Bouleversant, cathartique, un film à couper le souffle», ajoute Bob Mondello, de la prestigieuse radio publique NPR. «La performance de (Lubna) Azabal est au-delà de ce que je pourrais décrire, admet de son côté David Edelstein du New York Magazine. C'est un film extraordinaire.»

«Voici le film qui aurait dû gagner l'Oscar du meilleur film en langue étrangère cette année», croit Joe Morgenstern du Wall Street Journal. «Un thriller dévastateur du cinéaste québécois Denis Villeneuve, qui vous happe et ne vous quitte plus, écrit Peter Travers, du magazine Rolling Stone. Il n'y a aucune façon de chasser ce film de vos rêves.»

Le concert de dithyrambes connaît bien sûr quelques couacs. Le Village Voice trouve au film de Villeneuve des airs de telenovela latino-américaine davantage que de tragédie grecque. Le tabloïd New York Post reproche au film un regard jugé «anti-occidental». Mais dans l'ensemble, on peut parler d'un véritable succès critique.

Un succès critique qui pourrait se transformer en succès populaire, dans la mesure de ce qui est possible pour un film d'auteur de ce type. Les débuts d'Incendies aux guichets ont été très prometteurs aux États-Unis. Projeté dans seulement trois salles à New York et Los Angeles le week-end dernier, le film a cumulé des recettes moyennes de plus de 18 000 dollars par écran, ce qui est très encourageant pour son distributeur américain Sony Pictures Classics. À titre de comparaison,In a Better World de Susanne Bier, le plus récent lauréat de l'Oscar du meilleur film en langue étrangère, aussi distribué par Sony Pictures Classics, avait une moyenne d'environ 8000 $ par écran à sa sortie américaine il y a un mois (il sera en salles chez nous à compter de demain).

Tous les espoirs sont donc permis pour Incendies. D'autant plus que le film de Denis Villeneuve, qui réalisera prochainement pour Warner Bros le thriller Prisoners, a-t-on appris cette semaine, doit prendre l'affiche dans une cinquantaine de salles des États-Unis d'ici cinq semaines. Selon son distributeur québécois, Luc Déry de micro_scope, il n'est pas interdit de croire que, si la tendance se maintient, Incendies puisse engranger «quelques millions de dollars» au box-office américain.

«Le film a de bonnes jambes, la critique est extraordinaire, dit-il. Si le bouche-à-oreille est bon, tout est possible.» Au Québec, Incendies a, contre toutes attentes, amassé plus de 3 millions de dollars aux guichets. Le film est toujours à l'affiche en France, où il connaît un succès retentissant avec quelque 281 000 entrées à ce jour. Un parcours international exceptionnel pour un film d'exception.