«Il sera là. Il ne parlera pas, mais il sera là...» Jodie Foster nous avait bien avertis en début d'après-midi. Mel Gibson n'a pas fait, tel qu'annoncé, son grand retour médiatique hier à Cannes. Pas tout à fait.

En raison «d'obligations professionnelles», l'acteur n'a pu participer à la conférence de presse du plus récent film de Jodie Foster, The Beaver, présenté hors compétition (il sera à l'affiche vendredi au Québec). Il était en revanche au Palais des festivals en soirée, pour la montée des marches.

C'est peut-être mieux comme ça. Avec Mel, on ne sait jamais ce qui peut être dit. En 2006, arrêté au volant de sa voiture en état d'ébriété avancé, il s'était lancé dans une diatribe antisémite. Le réalisateur de The Passion en a remis sur le compte des Juifs l'an dernier, en ajoutant quelques déclarations misogynes lors de sa houleuse séparation d'avec son ex-compagne, qui l'a accusé de violence conjugale.

«Mel est le plus aimé par ses pairs de tous les acteurs d'Hollywood», souligne pourtant Jodie Foster. On ne fera pas de sondage pour vérifier.

Dans The Beaver, Gibson, qui s'est fait rare depuis quelques années à l'écran, incarne Walter, un homme d'affaires déprimé et suicidaire, abandonné par sa femme qui, dans une ultime tentative de survie, décide d'entreprendre de son propre chef une thérapie radicale: il ne parle plus qu'à travers une marionnette. À sa famille, à ses proches, aux employés de son entreprise. Et ça marche.

Ç'a l'air ridicule? Ce l'est. The Beaver est un mélodrame à thèse sur la dépression, doublé d'une comédie burlesque mettant en vedette un castor en peluche. Gibson joue à Kingsey Falls pendant que les autres comédiens sont à Stratford. Le film de Jodie Foster, qui fait aussi l'actrice, tente non seulement de marier deux genres inconciliables, il est prévisible, cucul, conventionnel et moralisateur. Souffrant, vous dites?

À l'écran, c'est un castor à l'accent cockney qui parle à la place du personnage de Mel Gibson. En conférence de presse, Jodie Foster n'a pas voulu se faire la porte-parole de son ami, qu'elle a rencontré sur le tournage de Maverick, en 1994. «Je ne peux pas excuser le comportement de Mel», a-t-elle répondu d'emblée au journaliste israélien qui a posé la première question (en donnant le ton). Seulement lui peut le faire. «Mais je connais l'homme. Il est mon ami depuis plusieurs années et c'est un ami fidèle, loyal, attentionné. Je peux passer des heures au téléphone avec lui. C'est un être complexe. J'aime sa complexité et ce que cela apporte à son travail.»

La réalisatrice, qui en est à son troisième film en 20 ans, après Little Man Tate et Home for the Holidays, estime que les épreuves de Gibson ont nourri son personnage dans The Beaver. «Mel a compris Walter de manière extraordinaire. Il a accepté de s'exposer à quelque chose qu'il connaît bien: la lutte. Nous en avons beaucoup parlé pendant le tournage. Pour Mel, tourner ce film a été très important. Je sais qu'il en est très fier et qu'il est fier de ce qu'il a montré de lui-même. C'est quelqu'un de très pudique et ce qu'il révèle à l'écran, il ne pouvait en révéler davantage.»

Croit-elle que le réalisateur de Braveheart pourra se réhabiliter auprès du public américain grâce à ce rôle? «Je ne sais pas, dit l'actrice», révélée à 14 ans dans Taxi Driver de Martin Scorsese (Palme d'or en 1976). «Faire ce film lui a pris six mois de sa vie. Forcément, ça l'a incité à une forme d'introspection. Je crois que ce fut une expérience thérapeutique et cathartique pour nous tous.»

The Beaver, déjà en salle aux États-Unis, a été assez mal reçu par la critique et le public américain, mais Jodie Foster espère qu'il aura une autre résonance en Europe. «Le public américain est habitué à des genres bien établis: des drames et des comédies. Pas des films qui sont à la fois les deux. Je crois qu'il sera mieux reçu en France et en Allemagne.»

Je ne parierais pas 20 euros là-dessus.

Hollywood selon Audrey

Parfois, dans la vie, il faut savoir se sacrifier. C'est ainsi que je me suis retrouvé, hier midi, en face à face avec Audrey Tautou près d'une terrasse ensoleillée au bord de la mer Méditerranée à Cannes. Isabelle Huppert était dans la pièce d'à côté.

Elle est si fine, Audrey Tautou, si menue, que si elle était une poupée, on aurait peur de la casser. Très élégante dans une robe noire contrastant avec sa peau diaphane, elle enchaînait les entrevues pour faire la promotion de De vrais mensonges, une comédie romantique plutôt charmante qui prendra l'affiche au Québec dans les prochains mois (on vous en reparlera).

La célèbre interprète du Fabuleux destin d'Amélie Poulain a l'habitude du Festival de Cannes, où elle a entre autres présenté en première mondiale le très attendu Da Vinci Code de Ron Howard, en 2006. Avec l'accueil glacial que l'on sait. Aimerait-elle participer à d'autres films américains? «Pas spécialement, non, dit-elle. Ça m'a amusée, ç'a été rigolo, mais l'exposition, l'importance du produit, tout ça ne m'attire pas forcément. Ça ne me fait pas rêver. Je suis très heureuse de jouer dans des films français. Pour moi, avoir la notoriété d'un Brad Pitt, ce serait un cauchemar.»