Ils sont antisémites, racistes, dictatoriaux, misogynes, xénophobes, petits et bleus. Les Schtroumpfs.

Dans Le petit livre bleu (éditions Hors Collection), paru hier, l'auteur et journaliste français Antoine Buéno dresse un portrait peu flatteur des célèbres créatures du bédéiste belge Peyo.

Son analyse sociopolitique des albums des Schtroumpfs l'a mené à la conclusion que Grand Schtroumpf avait des airs de Petit Père des peuples (oui, l'homme d'acier lui-même, Joseph Staline), que le méchant Gargamel correspondait à une caricature antisémite (son chat, après tout, s'appelle Azraël), et que la Schtroumpfette était le parfait archétype de la bimbo décérébrée.

«Je ne me prends pas au sérieux quand je compare le Grand Schtroumpf à Staline, mais il n'est pas défendu de s'interroger sur l'idéologie et les stéréotypes véhiculés par la BD», a dit Antoine Buéno à l'AFP.

Dans son essai de 200 pages, l'auteur de 30 ans, professeur de sciences politiques, s'est intéressé au mode de vie de ces petits bonshommes bleus, une bande presque exclusivement masculine, vivant sous le joug d'un chef autoritaire, unis contre un ennemi commun, un capitaliste vil et cupide obsédé par une pierre philosophale.

Ainsi, Antoine Buéno voit dans l'album originel de la série, Les Schtroumpfs noirs - où les Schtroumpfs, victimes d'une épidémie, deviennent monosyllabiques, noirs et cannibales -, un écho au regard colonialiste que posait l'Europe des années 60 sur l'Afrique. Et il décrit la Schtroumpfette comme un «petit bijou de stéréotypes féminins»: superficielle, séductrice, capricieuse, manipulatrice, écervelée...

«J'adore les Schtroumpfs, je voulais juste avec mon livre expliquer que les oeuvres populaires nous en apprennent beaucoup de la société dont elles sont le fruit, se défend Buéno. Mon travail était de mettre à jour les stéréotypes, les ficelles de l'époque. Je ne suis pas dans une démarche d'épuration.»

Quoi qu'il en soit, les admirateurs de l'oeuvre de Pierre Culliford, dit Peyo, décédé en 1992, n'en décolèrent pas. Ils ont inondé les blogues d'insultes à Antoine Buéno, visiblement dépassé par la polémique, qui insiste sur l'aspect ludique de sa démarche.

On veut bien. Il n'y a pas de mal à replacer une oeuvre dans son contexte historique, politique et social. Ni à s'amuser à en décortiquer les stéréotypes. À condition, il me semble, de ne pas lui faire porter un sens qu'elle n'a manifestement pas.

Pierre Culliford, né en 1928, ne s'intéressait pas à la politique. Selon les spécialistes, son village des Schtroumpfs ne se voulait certainement pas un microcosme de la société communiste soviétique - comme on l'a suggéré à une époque aux États-Unis.

Bien sûr, on a affaire ici à un jeune polémiste (auteur entre autres de Je suis de droite et je vous emmerde!) qui publie un livre décryptant joyeusement une bande dessinée populaire, à deux mois de la sortie d'un film américain qui s'en inspire. Antoine Buéno a raison: il ne faut pas trop le prendre au sérieux.

Les oeuvres sont indissociables de leur époque. On a retenu, avec raison, que Tintin au Congo véhiculait des stéréotypes racistes. L'image de la Schtroumpfette a certainement été marquée par le machisme exacerbé des années 60. Mais laisser entendre, même sur un ton mi-sérieux, que la série des Schtroumpfs est antisémite parce que Gargamel a un nez croche et qu'il aime l'argent comporte à mon sens un réel danger: celui de céder à une forme de révisionnisme, une tendance lourde par les temps qui courent.

Je ne suis pas convaincu qu'il y a eu une flambée d'antisémitisme, ni même le germe d'un sentiment hostile face aux Juifs chez de jeunes lecteurs, lorsque le premier album des Schtroumpfs est paru en 1963.

On ne peut empêcher un polémiste de polémiquer, ni d'interpréter une oeuvre de manière à servir un discours séduisant pour les médias. L'une des maladies de l'époque, en ce qui concerne l'art, est de chercher absolument à trouver un sens à tout et à rien. À la couleur de peau d'un humanoïde miniature portant un bonnet blanc, par exemple, vivant dans une maison en forme de champignon, dans l'imaginaire d'un bédéiste belge.

Merci Christiane

Sa spontanéité, sa curiosité, son instinct, sa culture font de Christiane Charette la plus allumée des intervieweuses. Elle se laisse guider par ses intuitions, ce qui n'a pas l'heur de plaire à tous. Certains lui reprochent ce côté spontané, qu'ils trouvent brouillon. Moi, je souris quand elle trébuche sur un nom compliqué, ou même pas compliqué. C'est elle, ça. Authentique dans son imperfection. Charmante de ses aspérités.

Pendant presque cinq ans, j'ai eu grand plaisir à faire, aux deux semaines, de la radio avec elle. Avec l'ami Lussier, nous sommes devenus «Les deux Marc», une marque déposée imaginée par elle et son équipe. J'ai eu autant de plaisir à l'écouter quotidiennement, traitant de mille et un sujets.

Elle quitte son micro demain. J'y serai avec l'autre Marc, dans l'éclairage tamisé du studio 18, un pincement au coeur. Merci Christiane. On a bien hâte de te retrouver.

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