L'an dernier à pareille date, le Festival international de littérature (FIL) présentait Lettres recommandées, un spectacle mis en scène par Claude Poissant, inspiré par les suggestions de lectures faites par l'auteur Yann Martel au premier ministre Stephen Harper.

Collage d'extraits de cette «correspondance» à sens unique, livrés par différents comédiens dont Macha Limonchik et Alexandre Goyette, Lettres recommandées était qualifié dans le programme du FIL de «voyage au coeur des littératures du monde entier doublé d'une entreprise de salubrité publique».

Lundi, la direction du FIL a révélé que son 17e événement, qui aura lieu du 16 au 26 septembre, risque d'être le dernier. À six semaines de son coup d'envoi, le Festival a appris d'un fonctionnaire du ministère du Patrimoine canadien que la subvention de 65 000$ du Fonds du Canada pour la présentation des arts, qu'il recevait depuis 2002, ne serait pas renouvelée. Cette somme correspond à 13% du budget du Festival, qui devra cette année être bouclé à crédit en accusant pour la première fois un déficit.

À la lumière de ses succès et de son dossier jugé impeccable, le Festival international de littérature avait pourtant été encouragé par le même fonctionnaire, il y a un an, à faire une demande de subventions pour les deux prochaines années. Signe encourageant s'il en est d'un appui à long terme.

Pourquoi, dix mois plus tard, sans autre avertissement, sans que les critères aient été modifiés, le ministère de James Moore a-t-il décidé de couper en partie les vivres au FIL? La gestion du Festival a pourtant été qualifiée d'exemplaire, son taux de fréquentation très enviable était de 84% en 2010, et sa réputation est telle que Jean-Louis Trintignant, Sami Frey, Fanny Ardant et autres Arthur H ont accepté d'y participer. Le FIL, qui allie le spectacle et la littérature, est un success-story unique, comme on dit dans la langue de Bev Oda.

Le ministère du Patrimoine, sans plus d'explications, a déclaré pour justifier sa décision qu'il y a trop d'événements et pas assez d'argent. Refrain connu. Ce qui est aussi connu, c'est la quantité d'organismes culturels canadiens ayant perdu des subventions après avoir présenté des oeuvres plus ou moins controversées, aux antipodes des «valeurs» du gouvernement Harper.

Je ne prétends pas que l'on a retiré au FIL une partie de ses subventions précisément parce qu'il a présenté un spectacle inspiré de la croisade littéraire de Yann Martel auprès de Stephen Harper. Mais je crois que la question suivante est légitime: s'agit-il, encore une fois, d'une coïncidence?

Quoi qu'il en soit, on peut regretter la manière, cavalière, avec laquelle le FIL, comme d'autres avant lui, s'est vu retirer sa subvention. À quelques semaines à peine de son coup d'envoi, de façon à mettre ses activités, voire son avenir, en péril. Par quelle logique tordue en arrive-t-on à faire payer ses succès à un festival? Il faudra, une fois pour toutes, que l'on m'explique.

Ce dont témoigne cette nouvelle coupe en culture du gouvernement Harper, c'est du climat, malsain, d'inquiétude perpétuelle, que les conservateurs ont réussi à instaurer dans les milieux culturels. Par une culture de l'intimidation, qui consiste à maintenir tout le monde sur le qui-vive, en propageant l'idée que le soutien aux arts n'est pas une obligation morale mais un privilège pouvant être révoqué à tout moment.

De façon générale, dans tous les secteurs culturels, les organismes ont l'impression d'être pris en otages, à la merci des décisions arbitraires des subventionnaires. Rien n'est jamais acquis. On prépare un budget sans la moindre garantie, même après 17 ans d'activités. Une épée de Damoclès au-dessus de la tête, le couperet menaçant à tout moment de tomber. Qui sera le prochain à être sacrifié? Et pourquoi?

Forcément, c'est le moral qui est miné. Le gouvernement a beau se targuer de son soutien aux arts et aux artistes, c'est son absence de soutien authentique qui reste le plus évident. Régime éteignoir qui se gargarise de sa générosité, en s'assurant d'avoir l'air de faire l'aumône à des quémandeurs de fonds publics. Le pire? C'est que ça marche.

Rater le coche

L'idée est louable. Le président de la SODEC, François Macerola, a déclaré au collègue Marc-André Lussier qu'il faisait «un projet personnel» de tenter de regrouper le Festival des films du monde, le Festival du nouveau cinéma et Fantasia à l'automne.

On réclame depuis longtemps un électrochoc dans le paysage des festivals de cinéma montréalais, qui en a bien besoin. Le Festival des films du monde se meurt à petit feu, dans l'indifférence quasi totale, depuis plus d'une décennie. Le Festival du nouveau cinéma a atteint en quelque sorte son plein potentiel. Quant à Fantasia, populaire auprès d'un public très ciblé, je ne vois pas trop ce qu'il vient faire dans l'équation.

L'idée est louable, certes, mais pratiquement irréalisable. Parce que les festivals auront peur de sacrifier leur indépendance, parce que Serge Losique est un être particulièrement obstiné, parce qu'avec trop de chefs dans une cuisine, on ne fait jamais de bons plats. Parce qu'il y a quelques années, la SODEC a misé sur le mauvais cheval, en tentant l'expérience (catastrophique) d'un nouveau festival «rassembleur». Et que malheureusement, il est désormais trop tard.