Honnêtement, j'ai d'abord cru à une blague jovialiste. Samedi dernier à Venise, alors que Téléfilm Canada conviait les artisans de films canadiens sélectionnés à la Mostra à un petit «5 à 7», François Macerola réfléchissait à voix haute sur un ton badin et léger. Le président et chef de la direction de la SODEC a alors évoqué, sans trop insister, la possibilité de soumettre aux dirigeants des trois grands festivals de cinéma montréalais (le Festival des films du monde, le Festival du nouveau cinéma, et Fantasia) l'idée d'un regroupement.

Il a en tête une sorte de «Montréal complètement cinéma» (basé sur le modèle de Montréal complètement cirque) qui pourrait s'étaler sur un mois. Chaque festival pourrait ainsi conserver son identité propre.

«Bonne chance!», lui ai-je dit dans un grand éclat de rire, en pensant secrètement que le mousseux était peut-être pour quelque chose dans cette soudaine envolée qui, pour enthousiasmante qu'elle soit, semble très difficilement réalisable. De retour en nos terres, monsieur Macerola a confirmé son projet. Dont il compte s'occuper personnellement. Et sérieusement. C'est en effet à lui que revient la responsabilité de convaincre les différents intervenants de souscrire à une idée qui ne pourra être mise en pratique sans leur aval.

«S'il y a une personne qui est capable de le faire, c'est lui, a déclaré la ministre de la Culture, Christine St-Pierre, au collègue Paul Journet. Il a beaucoup de tact, il est capable d'expliquer les choses aux gens.»

Dans un contexte normal, cette idée ferait bien entendu l'unanimité. Cette convergence de plusieurs styles et de plusieurs comités de programmation distincts fait en outre le succès du Festival de Toronto. Où les productions de prestige de la section «Galas» côtoient les films plus singuliers de «Midnight Madness». Surtout, toute la ville bat au rythme du TIFF, ce qui est loin d'être le cas quand un festival de cinéma a lieu dans la métropole québécoise. Mais à Montréal, rien n'est jamais simple. La situation est complètement sclérosée, surtout depuis le fiasco de 2005 et l'unique édition du Festival international de films de Montréal. Personne, je le crains, ne voudra plus céder le moindre pouce de terrain.

Une meilleure programmation?

Les institutions publiques n'ont pas à se mêler de programmation, mais il est clair qu'un regroupement de la sorte forcerait les trois festivals à affiner leur sélection. Et c'est là où le cinéphile ressortirait grand gagnant dans cette affaire. Plutôt que de se retrouver devant une programmation fourre-tout constituée de beaucoup de n'importe quoi, le cinéphile montréalais aurait alors droit au meilleur cru, ou à tout le moins à des oeuvres sélectionnées pour de bonnes raisons. Personne ne nous fera croire qu'il y a vraiment 900 films dignes d'une sélection festivalière dans une année.

Les plus vieux disent évidemment non. Claude Chamberlan a été clair là-dessus auprès de ma collègue Odile Tremblay du Devoir. Serge Losique - surprise - n'a pas rappelé La Presse. Il ne rappellera personne. Pour l'instant, celui qui est à la tête du plus jeune des trois festivals, Pierre Corbeil de Fantasia, reste prudent mais fait quand même preuve d'ouverture. C'est pourtant lui qui, ironiquement, dirige le festival montréalais le plus dynamique du moment, et dont la résonance sur le plan international dans les milieux plus spécialisés est bien réelle.

Les mordus de Fantasia ont toutefois réagi violemment à la proposition de Macerola dans les médias sociaux. Pour eux, «leur» festival doit garder sa forme actuelle et il est hors de question de souscrire à une idée qui les inciterait à cohabiter avec un festival d'«intellos» (FNC) ou de «has been» (FFM).

N'empêche que cette proposition est audacieuse. Et d'autant plus bienvenue que tout le monde croyait que les institutions publiques, à la suite de l'échec lamentable d'il y a six ans, n'oseraient plus jamais toucher à ce dossier. Et préféreraient probablement désormais attendre une «sélection naturelle» qui, forcément, surviendrait tôt ou tard.

«Le statu quo n'est pas possible», affirme pourtant François Macerola aujourd'hui. Là-dessus, on est bien d'accord.

Qui sait si cette mise en commun des ressources pourrait permettre l'organisation de certains événements - hommages, leçon de cinéma, etc. - de façon plus professionnelle? Qui sait si, de cette façon, le sempiternel problème de l'absence de sous-titres en français - qui mine de l'intérieur tous ces festivals - ne pourrait pas être réglé une fois pour toutes? Dans tous les pays où l'anglais n'est pas la langue de la majorité, il est en effet d'usage d'installer un système électronique dans toutes les salles. En aurait-on enfin les moyens?

À moins d'une ouverture inespérée de la part des intervenants, la proposition Macerola est malheureusement destinée à mourir de sa belle mort. Mais elle nous aura quand même permis de rêver un peu. C'est déjà ça.