On parle beaucoup de coalition ces jours-ci, même dans le milieu du cinéma québécois. Du «mariage de raison» entre la Soirée des Jutra et les Rendez-vous du cinéma québécois, annoncé mardi. De l'union projetée par la SODEC entre le Festival du nouveau cinéma, le Festival des films du monde et Fantasia, dont il est de nouveau question dans nos pages aujourd'hui.

Est-on toujours meilleurs unis? Pas sûr. Les Rendez-vous du cinéma québécois (RVCQ) et la Soirée des Jutra ont décidé de s'allier, ce qui n'est pas une mauvaise idée. Les deux événements sont parfaitement complémentaires dans la promotion du cinéma québécois, dont ils ont été des éléments-clés ces dernières années. Des discussions autour de leur fusion ont d'ailleurs cours depuis deux ou trois ans déjà.

Il reste qu'il s'agit de deux événements fort différents. Les Rendez-vous du cinéma québécois sont passés d'une rétrospective des films québécois de l'année à un festival de cinéma québécois présentant ses propres primeurs. La Soirée des Jutra est quant à elle une remise de prix télévisée, qui malgré quelques essais infructueux (voire catastrophiques, avec Patrick Huard à la barre), semble récemment avoir trouvé sa voie.

On peut interpréter comme on le veut ce contrat de mariage, les RVCQ viennent en quelque sorte de s'annexer la Soirée des Jutra. Avec son consentement, bien sûr. On souhaite le mariage durable et heureux, tout en espérant que l'esprit de ce gala - qui a toujours préféré souligner la qualité plutôt que la quantité (d'argent récolté aux guichets) - demeurera intact. On ne voit pas pourquoi il en serait autrement.

Il y a davantage de dangers à tenter de marier des événements récalcitrants, aux antipodes les uns des autres. Début septembre, le président de la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC), François Macerola, confiait à mon collègue Marc-André Lussier vouloir regrouper le Festival des films du monde, le Festival du nouveau cinéma et Fantasia sous une bannière commune, à l'automne. Aujourd'hui, il précise sa pensée en parlant à mon collègue André Duchesne, essentiellement, d'arrangements administratifs entre ces trois joueurs, dont les publics sont très différents.

Le Festival du nouveau cinéma (FNC), dont le 40e anniversaire vient d'attirer un nombre record de spectateurs, a un public cinéphile qui se réjouit d'y découvrir les films les plus attendus de la saison. Mais le FNC reste essentiellement une vitrine pour des films déjà achetés par des distributeurs, qui doivent prendre l'affiche dans la foulée.

Sur l'échiquier mondial, le Festival du nouveau cinéma, comme du reste le Festival des films du monde (dont le public est plus bigarré), ne trouve pratiquement pas d'échos. Les films sélectionnés par l'un comme par l'autre ont pour la plupart été présentés en première mondiale ailleurs, que ce soit à Cannes, Berlin, Venise, Toronto ou dans le cadre d'autres festivals, même mineurs, qui ont néanmoins plus de rayonnement international que ceux de Montréal.

La métropole québécoise mérite-t-elle un grand festival de film, un «événement plus grandiose» comme le souhaite François Macerola, à la mesure des ambitions de Montréal et du Québec? Sans aucun doute. Malheureusement, l'aventure d'un grand festival rassembleur a été tentée en 2005 par la SODEC et Téléfilm Canada, avec le résultat que l'on connaît. Le fiasco du Festival de films de Montréal, piloté par Spectra, a coûté une montagne de fonds publics et a accouché d'une souris mort-née.

François Macerola ne baisse pas les bras. C'est tout à son honneur. Il espère regrouper des événements, ne serait-ce que de manière stratégique, pour susciter un intérêt, à la fois du public et des commanditaires, afin de réaliser des économies d'échelle. Sauf qu'à l'impossible, nul n'est tenu. Et que l'on doute fort de voir un jour le FFM, le FNC et Fantasia, très populaire auprès des jeunes amateurs de cinéma de genre, sacrifier une parcelle de leur indépendance au profit d'une telle entreprise. D'autant plus que la SODEC a indiqué qu'elle ne couperait pas les vivres aux réfractaires.

Au coeur de l'impasse, il y a bien sûr le Festival des films du monde, qui agonise depuis des années, sclérosant le paysage, et dont on a attendu trop longtemps la mort, en vain, pour agir. Dans les circonstances, il est temps, à mon sens, de se concentrer sur ce qui fait la force du paysage festivalier québécois: sa diversité.

À Montréal seulement, l'on peut se targuer d'une multitude d'événements cinématographiques de niche, qui couvrent tous les champs d'intérêt, toutes les régions et tous les genres. Des festivals comme Image et nation, qui fête en ce moment son 24e anniversaire. Ou Cinémania, devenu en 17 ans un incontournable du calendrier, qui s'ouvre aujourd'hui avec Polisse de Maïwenn, un film brutal et émouvant, parmi les plus percutants de l'année, toutes nationalités confondues. L'actrice et réalisatrice française est à Montréal, comme ses compatriotes Cédric Kahn et Cédric Klapisch d'ailleurs. Unis pour le cinéma.

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