Du cinéma dans le cinéma. Le concept n'est pas nouveau, loin de là. Le septième art aime se tendre un miroir à lui-même depuis le début de son existence pratiquement. De Stanley Donen à Billy Wilder, de Federico Fellini à François Truffaut, et combien d'autres, nombreux sont les cinéastes ayant proposé une réflexion sur l'art qu'ils exercent, certains d'entre eux accouchant même d'un chef-d'oeuvre au passage.

Il est encore trop tôt pour savoir si Hugo et The Artist seront un jour classés parmi les chefs-d'oeuvre du cinéma. Mais tant du côté du film de Martin Scorsese (maintenant à l'affiche) que de celui de Michel Hazanavicius (à l'affiche le 9 décembre), il y a d'évidence une volonté de remettre à l'avant-plan les vertus d'un art aujourd'hui souvent sclérosé par de trop grands impératifs commerciaux.

En remontant jusqu'au cinéma de Georges Méliès, dont il extirpe toute la magie en s'immisçant dans les coulisses de sa création, Martin Scorsese fait bien plus qu'un devoir de mémoire. À travers l'histoire de l'un des cinéastes les plus influents de l'histoire du cinéma, le réalisateur de Raging Bull fait évidemment écho à sa propre vocation de créateur, à sa propre passion du cinéma. Il expose le génie de Méliès, qui bricolait ses trucs avec son talent d'artisan, dans un film réalisé avec des moyens techniques dont le réalisateur du Voyage dans la lune n'aurait jamais pu soupçonner l'existence en son temps. Même dans ses rêves les plus fous.

Du coup, Scorsese donne aussi un beau coup de chapeau à la culture française, dont le rayonnement international n'a probablement jamais été aussi grand qu'au moment de l'invention du cinématographe. Il est d'ailleurs assez ironique qu'en cette époque de mondialisation, où la préservation de la langue française ne revêt sans doute pas la même importance aux yeux de tous les francophones, un cinéaste américain se fasse le chantre du Paris des années 30. En respectant tous ses aspects. Bien qu'ayant été tourné en anglais, rien n'a été traduit ou adapté au profit des spectateurs non francophones. Scorsese a visiblement tenu à ce que l'environnement très «franco-français» dans lequel évolue Hugo Cabret soit le plus authentique possible.

Cela dit, ce retour vers un passé glorieux soulève, comme si besoin était, un véritable problème auquel les artistes français doivent faire face aujourd'hui. À vouloir se fondre à tout prix dans la culture mondiale, souvent en anglais, les artistes français contemporains ne parviennent pas à renouveler l'image de la culture de leur pays dans l'imaginaire des étrangers. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les films de langue française ayant une carrière significative en Amérique font souvent écho à une époque disparue, ou, à tout le moins, à un esprit plutôt lié au passé. La vie en rose (La môme) ou Le fabuleux destin d'Amélie Poulain en témoignent. La vision de la France que les cinéastes étrangers proposent relève généralement de cet ordre-là aussi. Quand Woody Allen tourne à Paris, c'est Midnight in Paris...

Juste retour des choses, c'est quand même un Français, Michel Hazanavicius, qui est en train de conquérir les Américains avec The Artist, un film remarquable, muet et en noir et blanc, sorte d'hommage au vieux Hollywood des années 20 et 30. C'est un peu comme s'il fallait obligatoirement un regard étranger pour découvrir la richesse de sa propre histoire. À la différence qu'Hazanavicius ne remet pas sous le nez des Américains une culture menacée.

La nouvelle mesure du succès

Durant plus d'une décennie, Téléfilm Canada s'est basé sur les chiffres du box-office pour distribuer ses enveloppes à la performance, aussi fameuses que contestées. Le succès d'un film ne se mesurant pas uniquement au son des tiroirs-caisses, l'organisme fédéral a annoncé cette semaine la création d'un «nouvel indice de réussite». Ainsi, les sélections dans les festivals internationaux et les mises en nomination obtenues dans différents galas étrangers (Oscars, Césars, Golden Globes) seront dorénavant prises en compte. Un seul mot: enfin.