Il n’y a pas de système parfait. Ni à Hollywood, ni à Paris, ni ailleurs. Parfois, les dérapages sont cependant plus spectaculaires que d’autres.


Depuis le dévoilement des listes de nominations pour les soirées des Oscars, des Césars et des Jutra, des mécontents font entendre leur voix, certains y allant même d’une bonne colère. Aux États-Unis, plusieurs observateurs comprennent mal, par exemple, les absences de Ryan Gosling, Michael Fassbender et Tilda Swinton dans les catégories d’interprétation. En France, où plusieurs excellents films ont été produits l’an dernier, on reproche dans certains cercles la sélection « racoleuse » dévoilée par l’Académie des Césars. Qui aurait sacrifié les véritables œuvres « majeures » – genre L’Apollonide de Bonello (pas racoleuse du tout !) ou Hors Satan de Dumont – au saint autel de la popularité et du box-office.


Même s’il est généralement de bon ton d’afficher publiquement son indifférence envers les prix et les récompenses, il reste que certains créateurs nagent en pleine contradiction quand l’invitation au grand bal n’arrive pas. Mathieu Kassovitz, qui nous a confié être « indigné en permanence » l’été dernier, s’est particulièrement distingué à cet égard cette semaine. Sur les réseaux sociaux, le réalisateur de L’ordre et la morale y est allé de diatribes aussi divertissantes qu’incendiaires, allant même jusqu’à comparer son rapport au cinéma français à une pratique sexuelle restée longtemps illégale dans au moins 13 États du Sud profond…


Chez nous, les créateurs ont plutôt tendance à faire la part des choses, sachant très bien que le système de sélection des Jutra ne relève pas d’une science exacte. Personne ne criera au scandale, même si, très franchement, certains artisans auraient toutes les raisons du monde de pousser les hauts cris. Stéphane Lafleur, dont le film Continental, un film sans fusil avait triomphé aux Jutra il y a quatre ans, voit son excellent film En terrains connus n’être retenu que dans une catégorie technique. C’est incompréhensible. Pour couronner le tout, le monteur de Monsieur Lazhar, le même Stéphane Lafleur, est aussi écarté de la course. Vu sa qualité, on imaginait pourtant mal le superbe film de Philippe Falardeau louper la moindre citation.


Il est d’ailleurs assez remarquable de constater à quel point la catégorie du montage est emblématique des dérives de la sélection cette année. Trois films mineurs – et éminemment oubliables – sont retenus (La run, Bumrush, Sur le rythme), mais pas Monsieur Lazhar, ni Le vendeur, ni Café de Flore. Ridicule. La non-sélection du film de Jean-Marc Vallée dans les catégories phares du meilleur film et du meilleur scénario est certes étonnante, mais s’il y a une œuvre cette année qui reposait sur l’art du montage, c’est bien celle-là. Dans un petit mot qu’il nous a fait parvenir, l’auteur cinéaste s’est quand même montré bon prince.


« De mon côté, je suis déçu, a-t-il écrit. Mais je ne fais pas de films pour les prix. S’ils se présentent, tant mieux, sinon, ça n’enlève absolument rien au sentiment de fierté et d’accomplissement que j’ai à l’égard de mon travail et de celui de mes collaborateurs. »
Le milieu du cinéma québécois, appuyé par les médias, a tellement réclamé à corps et à cris une réforme du système, finalement mise en place il y a deux ans, qu’il serait aujourd’hui bien malvenu de la remettre de nouveau en question. Les 16 artisans appelés à être membre sdu jury déterminant les finalistes sont tous issus d’associations professionnelles. Et ils ont assurément vu tous les films en lice. Dont acte. C’est maintenant au tour de l’ensemble des membres votants de déterminer les lauréats. Feront-ils les bons choix ? Souhaitons-le. Dans la mesure du possible.


Dujardin dans le pétrin ?


Depuis dimanche, soit depuis qu’il a enlevé le Screen Actors Guild Award à ses plus grands rivaux George Clooney et Brad Pitt, Jean Dujardin est devenu le favori dans la course à l’Oscar du meilleur acteur grâce à sa performance dans The Artist. Aux États-Unis, l’interprète d’OSS 117 est en pleine campagne de séduction. Sur toutes les tribunes, il compense ses lacunes linguistiques en faisant du charme, en imitant De Niro et en esquissant quelques pas de danse. Tel un Benigni en son temps, personne ne comprend un traître mot de ce qu’il raconte, mais tout le monde l’adore.


Hier, les journaux spécialisés américains ont relayé le « scandale » entourant la campagne d’affichage des Infidèles, une comédie sur l’adultère qui sort en France à la fin du mois. Les affiches « équivoques » sont d’ailleurs retirées aujourd’hui même à la demande de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité pour cause de présentation « d’image dégradante de la femme ». Sur l’une d’entre elles, sous la mention « Je rentre en réunion », on voit notamment Jean Dujardin tenir les jambes dénudées d’une femme la tête en bas…

Cette controverse ayant atteint les rives de la prude Amérique, certains avancent que les augustes académiciens pourraient maintenant y penser à deux fois avant d’accorder leur appui à l’acteur frenchie. L’opération charme du séducteur tiendra-t-elle le coup ?