Il y a beaucoup d'effervescence autour de la «french touch» des Oscars cette année.

S'il n'y avait que l'hommage rendu à la grande culture française par Woody Allen et Martin Scorsese à travers leurs plus récents films, le fait serait déjà digne de mention. Mais il y a plus que Midnight in Paris et Hugo. Beaucoup plus. D'abord, le délicieux film d'animation Une vie de chat (à l'affiche le 2 mars) a réussi à se faufiler parmi les finalistes de la catégorie dévolue aux productions de son genre. Pour couronner le tout, The Artist enlèvera probablement dimanche les statuettes dorées les plus convoitées, soient celles attribuées au meilleur film et à la meilleure réalisation. Et Jean Dujardin, déjà parti sur une incroyable lancée depuis le Festival de Cannes l'an dernier, est de son côté désigné grand favori pour mettre la main sur l'Oscar du meilleur acteur. Devant Clooney et Pitt, rien de moins.

Mais avant le grand party annoncé dimanche, l'équipe de The Artist devra danser les claquettes devant ses pairs chez elle. C'est en effet aujourd'hui à Paris qu'a lieu la 37e cérémonie des Césars du cinéma français. Pour les artisans d'un film muet rendant hommage au cinéma hollywoodien des années 20, rien n'est gagné.

Aux États-Unis, il est facile de prévoir la direction dans laquelle ira le vote des Académiciens, d'autant que de nombreuses pistes indiquent la route à suivre pour se rendre jusqu'aux Oscars. À ce jeu, The Artist recueille aujourd'hui toutes les faveurs. Comme les avait recueillies aussi en d'autres années Slumdog Millionaire, The Hurt Locker ou The King's Speech.

En France, les pronostics sont beaucoup plus difficiles à établir. L'état d'esprit des membres de l'Académie - ils seraient 3880 cette année - n'est pas du tout le même que celui de leurs confrères américains. Essentiellement, le cinéma français est un cinéma d'auteurs. Même si l'identité des membres votants aux Césars demeure confidentielle (un sujet de polémique là-bas), on peut présumer que la grande majorité de ces professionnels est toujours influencée par la fameuse politique des auteurs. Ce mouvement théorique ayant façonné pendant des générations l'école de la pensée critique en France, le mérite artistique a évidemment préséance sur tout le reste.

Depuis le faux scandale Bienvenue chez les Ch'tis, dont le succès historique avait eu bien peu d'écho aux Césars (Dany Boon était furieux), l'organisation a bien essayé de rectifier le tir un peu. Le nombre de nominations a été augmenté dans certaines catégories de pointe, permettant ainsi à des films de tous genres d'avoir droit à leur tour de piste. Le système fait toutefois toujours des mécontents. Les artisans de productions plus pointues estiment que les Césars ont vendu leur âme au saint autel du box-office; ceux des productions à vocation plus populaire trouvent en revanche qu'on ne leur laisse toujours pas assez de place.

Cela dit, le cinéma français a connu une année exceptionnelle en 2011. Tant sur le plan qualitatif que quantitatif. L'excellent film de Maïwenn Polisse (à l'affiche chez nous vendredi prochain) part avec une longueur d'avance dans la course, fort de ses 13 nominations. L'exercice de l'État, le fascinant film politique de Pierre Schoeller, arrive bon deuxième avec pas moins de 12 citations, suivi par The Artist (10 nominations, le même nombre qu'aux Oscars). Dans son pays d'origine, The Artist suscite la sympathie, certes, mais il est quand même loin de provoquer au sein de la profession le même engouement qu'à Hollywood.

Pas de scandale à la Ch'ti pour Intouchables, ce film phénomène que pas moins de 19 millions de Français ont vu en salle (sortie québécoise le 13 avril). La comédie du tandem Toledano-Nakache, fort bien accueillie par la critique française lors de sa sortie, est citée neuf fois. Il n'est d'ailleurs pas impossible qu'Omar Sy, troisième personnalité publique la plus populaire de France (après Yannick Noah et Zinedine Zidane) fasse trébucher Jean Dujardin dans sa marche triomphale. Par ailleurs, d'autres concurrents très solides (La guerre est déclarée, Le Havre) pourraient aussi venir mêler un peu les cartes.

La 37e cérémonie des Césars a lieu aujourd'hui à 14h30 (heure du Québec). Incendies (Denis Villeneuve) est en lice pour le meilleur film étranger. Encore une fois, il faudra suivre cette année la diffusion sur le web (Canalplus.fr en réglant son ordi à l'heure française) car aucune télédiffusion n'est prévue chez nous. Vous pourrez aussi suivre les résultats sur Twitter en utilisant le mot-clé #LPCésars.

Toronto la pure...

Vous ne trouverez pas plus partisan ni meilleur ambassadeur des Habs que le fier Montréalais Jay Baruchel. Est-ce parce que la star de The Trotsky déteste les Leafs pour s'en confesser que le Conseil municipal de Toronto a ordonné le retrait des 38 affiches géantes de Goon sur lesquelles il apparaît en train de faire un geste apparemment trop suggestif? En toute mauvaise foi, il est clair que ça sent le règlement de comptes.