Andrew Sarris est mort mercredi. Il avait 83 ans. Critique de cinéma parmi les plus influents des États-Unis, il fut l'un des premiers à défendre le cinéma d'auteur à une époque, les années 50, où les seules têtes d'affiche du cinéma américain étaient ses acteurs.

Fer de lance américain de la «théorie de l'auteur», inspirée par la «politique des auteurs» des jeunes critiques des Cahiers du cinéma qui allaient initier la Nouvelle Vague (Truffaut, Godard, Rivette, Chabrol), Andrew Sarris a défendu jusqu'à sa mort l'idée selon laquelle, plus que celui du scénariste ou des comédiens, le cinéma est l'art du réalisateur.

D'abord au Village Voice puis au New York Observer, Sarris fut l'un des premiers critiques américains à se forger une réelle réputation auprès des cinéphiles, aux côtés de Pauline Kael, dont il était le grand rival. S'il était considéré plus cérébral que la mythique critique du New Yorker, une intuitive à la plume enflammée, Sarris savait lui-même être coloré et acerbe dans ses critiques. Il avait rebaptisé Antonioni, dont il était un admirateur de la première heure, «Antoniennui».

Je ne connaissais Andrew Sarris que de réputation. Par Roger Ebert, sur qui il avait eu une grande influence. Dans un univers, le cinéma hollywoodien, obnubilé par ses vedettes, où les producteurs et les studios ont un poids considérable, la reconnaissance du cinéaste comme auteur d'une oeuvre artistique ne relève pas de l'évidence.

Aujourd'hui encore, on s'intéresse davantage aux «films avec» (telle ou telle star) qu'aux «films de» (tel ou tel cinéaste). Des auteurs américains établis, comme Quentin Tarantino, Alexander Payne ou Wes Anderson, doivent beaucoup aux idées d'Andrew Sarris et de Pauline Kael, dont les disputes épiques ont nourri la légende. Invitée au mariage de Sarris et de sa compagne, la critique de cinéma Molly Haskell, à la fin des années 60, Pauline Kael avait décliné, en déclarant qu'elle irait «au prochain mariage de Molly».

Sans exagérer la portée des critiques de cinéma - certainement plus grande il y a une trentaine d'années qu'aujourd'hui -, on ne peut nier l'immense legs d'Andrew Sarris, qui fut aussi auteur et professeur (entre autres à l'Université Columbia et à Yale). Alors que l'intelligentsia considérait cette idée comme une hérésie, il a convaincu les cinéphiles et les cinéastes américains que le cinéma hollywoodien pouvait être une forme d'art, au même titre que le cinéma de Bergman, de Godard ou de Kurosawa. Sous son impulsion (et celle, en France, des Cahiers du cinéma), des cinéastes populaires tels qu'Alfred Hitchcock et Howard Hawkes ont été reconnus à leur juste valeur.

Joyeux anniversaire M. Ebert

Deux jours avant le décès de son mentor, Roger Ebert a eu 70 ans. Le plus célèbre critique de cinéma des États-Unis a été le premier à recevoir un prix Pulitzer, pour les textes qu'il rédige au Chicago Sun-Times depuis 45 ans. Il est aussi celui qui, avec son regretté ami Gene Siskel, a popularisé à la télévision la formule du «pouce vers le haut, pouce vers le bas» afin de rendre compte de l'appréciation d'un film. Pour le meilleur et pour le pire.

Cinéphile érudit qui a su transmettre avec intelligence son amour du cinéma en adaptant son discours aux besoins d'un quotidien grand public ou de la télévision, Roger Ebert a toujours été une référence pour moi. Je me souviens de l'avoir vu, en chair en os, alors qu'il présentait en plein air aux studios MGM, en Floride, une émission spéciale Oscars de Siskel and Ebert At The Movies. Je devais avoir 10 ou 11 ans.

J'ai revu Roger Ebert au début des années 2000, dans des festivals, à Toronto et à Cannes.

Il y a quelques années, je devais participer avec lui à une table ronde (ainsi qu'avec Richard Corliss du magazine Time, un autre admirateur d'Andrew Sarris) au festival de Venise. Un cancer de la gorge l'a empêché de profiter de la Mostra. Il n'a plus parlé depuis. Il ne peut plus manger ni boire. Et il n'est plus, physiquement, que l'ombre de lui-même. Mais grâce au web et aux médias sociaux - il est un utilisateur compulsif de Twitter - il est lu aujourd'hui par un public plus vaste que jamais. Joyeux anniversaire, M. Ebert.

La «formule»

Des chercheurs japonais ont révélé la semaine dernière qu'ils avaient mis au point une formule mathématique permettant de prédire le succès d'un film aux guichets.

Ces chercheurs du Département de mathématiques appliquées et de physique de l'Université de Torrori ont étudié la mise en marché de 25 films, pour la plupart des superproductions hollywoodiennes, dans les cinémas japonais.

Ils en sont venus à calculer la probabilité qu'un Japonais aille voir un film au cinéma, en tenant compte de critères tels que les sommes investies dans une campagne publicitaire et le nombre de mentions du film dans les réseaux sociaux.

«Tout cela semblait correspondre très bien, ce qui signifie que les calculs pourraient fournir une prédiction assez juste de la réussite d'un film, avant même qu'il ne soit sorti. C'est un modèle général, il marchera dans d'autres pays» a déclaré, Akira Ishi, professeur à l'Université de Torrori.

Les chercheurs japonais estiment que leur formule pourrait être appliquée à d'autres domaines que le cinéma, comme la musique en ligne... ou le marché des boissons gazeuses.

Andrew Sarris peut déjà se retourner dans sa tombe.

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Cette chronique fera relâche jusqu'à la fin juillet. Bon cinéma.