«Sa» public est en deuil. C'est la fin de l'extase. Après trois années et demie de fous rires, Marc Labrèche et son émission culte 3600 secondes d'extase quitteront l'antenne de Radio-Canada à la fin mars.

«On a eu envie de passer à autre chose, m'a confié hier le comédien et animateur. Ce n'est pas qu'on n'aime plus faire l'émission, au contraire, mais on a l'impression d'avoir fait le tour de la formule. Il y a des limites à ce genre de show: le temps pour tourner, la longueur des sketches, les lieux de tournage. Si on ne veut pas finir par s'ennuyer, il faut chercher plus loin.»

«On», qui n'exclut pas la personne qui parle, c'est Marc Labrèche et son grand complice Marc Brunet, concepteurs d'une multitude de projets depuis une quinzaine d'années, de La fin du monde est à 7 heures à 3600 secondes d'extase, en passant par Le grand blond avec un show sournois et Le coeur a ses raisons.

Les trois années et demie de diffusion de 3600 secondes d'extase constituent un cycle de travail habituel pour le tandem, épaulé aux textes par Josée Fortier et Rafaële Germain. La décision de mettre un terme au projet, mûrie longuement par l'équipe l'automne dernier, a été annoncée récemment à Radio-Canada, pourtant favorable à un prolongement de la diffusion.

«Le moment était venu, dit Marc Labrèche. On a mis du temps à maîtriser la formule et à l'imposer. Il y a encore des ratés, des segments qui s'intègrent plus ou moins bien, mais les gens ont fini par s'habituer à notre névrose!»

Émission d'humour librement inspirée de l'actualité, 3600 secondes d'extase ne devait être à l'antenne qu'une seule saison, mais elle s'est bonifiée au fil du temps, en particulier avec ses parodies, furieusement décalées, d'émissions de télévision québécoises. Au point de devenir une émission culte, dont les sketches hilarants circulent de manière virale sur le web.

Malgré ses cotes d'écoute somme toute modestes (360 000 téléspectateurs par semaine, en moyenne), 3600 secondes d'extase connaît un réel succès d'estime. Son noyau de fans irréductibles raffole de ses sketches, personnages et chroniques (signées Pierre Brassard, Paul Houde ou André Sauvé). Marc Labrèche, davantage que quiconque à la télévision, se permet d'y dire ce que peu de gens osent dire. «Nous sommes très libres. J'en garderai un très beau souvenir.»

Un espoir pour ses admirateurs: la fin de 3600 secondes ne signifie pas la mort de ses personnages truculents.

Comme Le grand blond a inspiré Le coeur a ses raisons, on risque de revoir, par exemple, l'irrésistible Melville Boulard dans un autre contexte télévisuel. «J'aime beaucoup Melville. Il me fait penser à la gang de télé de mon père, qui prenait une crème de menthe après un tournage. Je le verrais bien interviewer des gens sur des sujets anodins.»

Marc Labrèche envisage notamment de proposer à Radio-Canada des émissions spéciales ponctuelles, mettant en vedette certains de ses personnages. «L'idée de faire une biographie d'une heure de Fabienne Larouche me plaît beaucoup. On la verrait dans des salons, avec ses amis, chez son psy», dit-il, mi-figue, mi-raisin.

Pas de Bye Bye

L'animateur rêve d'investir de nouveau le créneau de fin de soirée, avec un grand plateau à l'européenne, qui serait le prétexte à un talk-show, une revue de l'actualité et des sketches. Mais il se fait peu d'illusions sur l'intérêt et les moyens des diffuseurs pour ce genre d'émission.

Le verra-t-on animer le Bye Bye, comme le lui suggérait Paul Houde la semaine dernière? «On aurait un peu l'impression de faire ce que l'on fait chaque semaine, avec plus de moyens, croit-il. L'idée de faire les choses bric-à-brac, avec peu de moyens et de temps, ne me déplaît pas. Le côté expéditif, raté, fait partie de notre personnalité. Un Bye Bye, c'est un rendez-vous rassembleur. Chaque fois qu'on a essayé d'être rassembleur ou consensuel, on s'est plantés!»

S'il reste évasif sur ses projets à moyen terme, Marc Labrèche compte déposer de nouveau le scénario d'un projet de film qu'il souhaiterait lui-même réaliser, Le cri du rhinocéros, auprès des institutions (SODEC et Téléfilm Canada). Il souhaite également se rendre plus disponible pour le théâtre, lui qui a délaissé les planches depuis quelques années.

Labrèche ne délaissera pas pour autant la télévision. Avec Marc Brunet, il a des projets variés en tête. «On reste allumés par les mêmes affaires, dit-il. On n'a pas encore fait de minisérie du type Aveux. Une série sur le monde de la télévision m'intéresserait beaucoup. Je ne veux pas me disperser. Je n'ai plus 25 ans. Je veux me donner la possibilité de choisir deux ou trois projets de télé dans les prochaines années. J'aurai peut-être l'impression d'être pathétique si je fais encore le clown à 65 ans!»

Photo: François Roy, La Presse

Marc Labrèche