Bob Dylan n'ira pas en Chine. La Chine ne veut pas de lui. Les Rolling Stones et leurs millions, passent encore, mais la figure emblématique de la contre-culture américaine des années 60? Pas avec sa guitare en bandoulière et son vieux répertoire de protest songs.

Le monde et les temps changent. Les Chinois ont dit «welcome» à l'économie de marché, ils ont rasé des quartiers pour ériger des tours à bureaux et chassé des centaines de milliers de gens afin de construire des barrages. On n'arrête pas le progrès. Mais des étudiants place Tiananmen, oui.

Le monde et les temps changent, mais pas tant que ça finalement. La Chine demeure le plus grand pays communiste de la planète. Pour la «dictature du prolétariat», il y a un parti unique. Pour tout le reste, il y a Mastercard et le capitalisme à la carte.

Bob Dylan, comme tout le monde, change aussi. Il a fait paraître, peu avant les Fêtes, un disque de chansons de Noël, il brade ses vieux classiques pour des cachets publicitaires (on l'a vu dans des pubs de lingerie et de VUS de Cadillac) et n'a pas écrit de protest song depuis 1963.

Mais il continue de tourner. Le poète, 68 ans, mais plus vraiment soixante-huitard, devait donner pour la première fois des spectacles en Chine, à Hong-Kong et à Taïwan à compter de jeudi. Tout vient d'être annulé. Les autorités chinoises n'ont pas donné leur aval à des concerts prévus à Pékin et à Shanghai.

Raison invoquée par le ministère chinois de la Culture, responsable de la présence d'artistes étrangers sur son territoire? Rien du tout, ce n'est pas de vos affaires. Selon le promoteur taïwanais de la tournée, l'interdiction touchant Dylan serait liée... à un spectacle de Björk.

Lors d'un concert à Shanghai, en 2008, Björk aurait scandé «Tibet! Tibet!» à la fin de la chanson Declare Independence. La vilaine. «Elle a rendu les choses plus difficiles pour les autres artistes. On craint davantage ce qui peut être dit sur scène», a déclaré le promoteur Jeffrey Wu, convaincu que Pékin se méfie du passé de militant de Bob Dylan. L'an dernier, le groupe Oasis a aussi été interdit de spectacle en Chine (Noel Gallagher a participé à un concert pour le Tibet il y a une douzaine d'années, ceci expliquant peut-être cela).

Morale de l'histoire selon ce promoteur: Dylan ne chantera pas en Chine à cause d'une Islandaise qui n'a pas su tenir sa langue. Le monde et les temps changent. Si la censure devient de plus en plus acceptable dans un marché au potentiel économique illimité, c'est toujours ben pas de la faute de Pékin...

Virginie, en roman

Fabienne Larouche a écrit un roman. Enfin, pas elle, mais une collaboratrice. Marie-Ève Sévigny a adapté les premiers scénarios de Virginie, signés Fabienne Larouche, pour en tirer un roman en plusieurs tomes, publié chez Aetios, la compagnie de production de Fabienne Larouche.

La recrue (tome 1) sera en librairie demain. On y retrouve le style caractéristique de Fabienne Larouche, que Marie-Ève Sévigny a su rendre avec force précision. On jurerait que ces quelque 220 pages ont été écrites par l'auteure de Virginie elle-même, tellement la langue, l'esprit et les dialogues sont conformes au célèbre téléroman de Radio-Canada.

Le style de Fabienne Larouche est d'ailleurs reconnaissable dès la première phrase: «Virginie regarde pour la énième fois le réveil qui fait la sentinelle sur sa table de nuit.» Le reste est à l'avenant. «Julien appréciant avec amertume le terme «animal» qui, selon lui, représente fort justement certains spécimens de ses classes, Daniel échange avec Mireille un regard sans équivoque.»

Je n'ai pu m'empêcher d'imaginer, en feuilletant ce roman et en présumant du succès de la série, ce que deviendrait en écriture romanesque la fin d'un épisode de Virginie sur lequel je suis récemment tombé...

Le directeur adjoint, Hugo Lacasse, les yeux paniqués, apostrophe Maurice Ladouceur, devant son bureau de psychoéducateur, à propos du directeur général de la commission scolaire, René Ouellet.

«Avec Ouellet, c'est sûr que ça sent pas bon, lui répond Ladouceur.

- Qu'est ce que je fais? J'en parle ou pas? demande Lacasse.

- Ouellet, c'est juste de la marde. Tiens ça mort», tranche Ladouceur.

Au même moment, sous une cabine de toilettes publiques, le pantalon aux chevilles, les sous-vêtements apparents, au son d'une musique vaguement mexicaine, un homme souffre, en silence et en sueurs, les yeux fermés. C'est René Ouellet, le directeur général de la commission scolaire. Il a la turista.

 

Photo: AFP

Bob Dylan n'a pas écrit de protest song depuis 1963. Peu importe, sa tournée en Chine a été annulée.