Ce fut le feuilleton de l'été. L'énième bataille dans la sempiternelle guerre de clocher que se livrent Québec et Montréal. Crêpage de chignon entre maires en campagne électorale, accusations de concurrence déloyale, escalade de démagogie, pour une attention médiatique de tous les instants.

Trois mois plus tard, la montagne d'immondices a accouché d'une souris heureuse d'être contente. Les FrancoFolies de Montréal et le Festival d'été de Québec ont officiellement enterré la hache de guerre hier, comme l'a annoncé dans nos pages mon collègue Mario Cloutier.

Preuve à l'appui, un communiqué de presse laconique, d'un positivisme suspect. «La direction des FrancoFolies a reconnu qu'un changement de date comportait d'importants risques pour la mission francophone du Festival d'été, alors que celle du Festival a de son côté compris les réelles difficultés financières qu'éprouvaient les FrancoFolies en août.»

Pendant plus d'une semaine, des chemises bleues et rouges ont été déchirées sur la place publique, d'un bord et de l'autre de l'autoroute 20, à grand renfort de déclarations incendiaires. Trois mois plus tard, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Restent ces dates tant décriées, qui n'ont pas changé d'un iota. Les FrancoFolies auront lieu du 9 au 19 juin 2010, comme l'a annoncé Spectra avant la tempête médiatique, et le Festival d'été roulera un mois plus tard, du 8 au 18 juillet.

En août, le maire de Québec et ancien président du Festival d'été, Régis Labeaume, a parlé du déménagement des FrancoFolies d'août à juin comme d'une «déclaration de guerre» contre sa ville. Rien de moins. «Alain Simard (le président de Spectra) est un individu privé qui veut mettre un quart de million de plus dans ses poches, a-t-il déclaré. Le seul problème, c'est que cet argent vient des gouvernements.»

Pour expliquer sa décision unilatérale de modifier les dates de son événement, Alain Simard, appuyé par le maire Gérald Tremblay et le ministre des Finances Raymond Bachand, a rétorqué qu'en 2006, lorsque les FrancoFolies ont eu lieu exceptionnellement en juin, «des discussions sincères» avaient été torpillées par la sortie médiatique des dirigeants du Festival d'été. «Ils ont fait dérailler le projet. On s'est sentis trahis.»

Aujourd'hui, on voudrait nous faire croire que «c'est donc avec une énergie et un plaisir renouvelés et dans un esprit de collaboration mutuelle que les programmateurs chevronnés des FrancoFolies de Montréal et du Festival d'été de Québec s'affairent à la mise sur pied de leur programmation».

Ben oui. Un plaisir renouvelé... Que s'est-il passé? Qui est donc ce Cupidon des festivals qui rend tous ces programmateurs chevronnés gagas? A-t-il, en plus d'un arc et d'une flèche, une besace pleine de subventions gouvernementales? A-t-il offert des garanties aux festivals et à leurs commanditaires?

J'aurais voulu poser ces questions et quelques autres aux dirigeants des FrancoFolies et du Festival d'été hier. Malheureusement, ils n'étaient pas disponibles pour y répondre. «Les deux organismes préfèrent s'en tenir au communiqué. Aucun autre commentaire ne sera fait», m'a-t-on indiqué.

Les questions demeurent: quelle est donc cette entente qui unit aujourd'hui dans la collaboration mutuelle les ennemis d'hier? Concerne-t-elle les exclusivités négociées par les festivals avec certains artistes? Une mise en commun des ressources pour attirer des gros noms? Des compromis de programmation?

On ne m'en voudra pas de m'étonner que le terme «collaboration» soit associé subitement à l'Équipe Spectra. Question d'habitude. Cela dit, même si le déménagement des Francos au début de l'été est un vieux débat, il est facile de comprendre la logique économique qui sous-tend cette décision. L'aménagement simultané de la place des Festivals pour les FrancoFolies et le Festival de jazz (lancé six jours plus tard) permettra des économies d'échelle estimées à près de 250 000 $ par Spectra. De quoi éponger une partie du déficit récurrent des FrancoFolies.

La preuve n'a toutefois pas été faite que des Francos en juin attireraient davantage de grands noms de la chanson française internationale. En 2006, alors qu'on a permis aux FrancoFolies de se tenir au début de l'été afin de ne pas entrer en conflit avec les OutGames, les observateurs de la scène musicale ont remarqué que d'un strict point de vue artistique, la programmation n'était pas plus riche qu'à son habitude.

Le directeur du Festival d'été de Québec, Daniel Gélinas, a quant à lui prétendu, au plus fort de la «controverse» du mois d'août, qu'un changement de date des FrancoFolies menacerait la mission francophone de son événement. Avec KISS, Sting et autres Placido Domingo comme têtes d'affiche, on se demande de quelle mission il se targue...

Tout est bien qui finit bien, diront certains. Sauf qu'on se demande aujourd'hui, plus que jamais, à quoi a servi ce navrant combat de coqs.