La mission «sociale et poétique» de Guy Laliberté avait, à l'image de son titre pompeux (De la Terre aux étoiles pour l'eau), de grandes ambitions. Le résultat télévisuel ne fut malheureusement pas à la hauteur du périple spatial du guide du Cirque du Soleil.

À l'image de l'entrée en matière aride d'Al Gore, inconditionnel du PowerPoint, le «spectacle interplanétaire» (sans diffuseur sur Mars) le plus attendu de l'année s'est avéré plutôt ennuyeux, ponctué de prestations musicales à l'eau de rose, en hommage à la planète bleue.

 

Le spectacle avait pourtant bien commencé, en direct de la Tohu, quartier général du Cirque du Soleil à Montréal, en compagnie de l'astronaute Julie Payette et de l'écrivain Yann Martel, qui a lu un passage de son conte poétique, fil conducteur de l'événement. Elisapie Isaac, une goutte d'eau illuminée à la main, et Jacques Languirand, en prophète, ont accompagné les artistes du Cirque et leurs jeux de cerceaux et d'échelles. Un numéro de qualité, dans l'enrobage nouvel-âgeux archétypal de notre cirque emblématique.

Belle idée aussi que cette goutte d'eau se promenant de ville en ville, de par le monde. Quatorze destinations au total, pour autant de lecteurs (à commencer par Peter Gabriel) du conte de Yann Martel, sorte de version écolo du Petit Prince.

C'est en musique que les choses se sont rapidement gâtées. À Paris, on a vu Garou, Lorie, Michel Fugain, Jean-Jacques Goldman, Patrick Bruel et compagnie entonner en version We Are The World - avec la même empathie bien-pensante soulignée à gros traits - L'hymne à la beauté du monde de Luc Plamondon.

À New York, Shakira a poursuivi le conte de Martel avant qu'un «flash mob» à la saveur du mois, pas le moindrement improvisé, ne secoue légèrement Times Square sur la musique de Beyond the Sea (tirée de La mer, de Charles Trenet). Un effet à demi réussi.

Au Sydney Opera House, la cantatrice Tiffany Speight semblait bien inspirée...mais a été interrompue, à l'antenne de RDI, par une pub d'Hydro-Québec. Court-circuit.

Lila Downs, à Mexico, et Joss Stone, à Londres, chantant de sa voix de cuivre une nouvelle pièce de rhythm'n'blues, n'ont pu tout racheter. À Marrakech, on a entamé une longue descente pénible. «L'eau pour tous, tous pour l'eau. Merci Guy!» a déclaré Fadoua Ben Dahan, avant de céder sa place au groupe Fnaïre, sorte de version marocaine de New Kids on the Block. Le supplice de la goutte en ce qui me concerne.

La performance préenregistrée d'A.R. Rahman, le Mario Pelchat du sous-continent indien, ne m'a guère réconcilié avec ce spectacle musico-télévisuel trempé dans le sirop de poteau. D'ailleurs, l'événement télé tant annoncé a fait bien peu de place au direct, ce qui aurait dû être l'un de ses principaux attraits.

Tatuya Ishii, lui, chantait sans doute en direct d'Osaka, où il nous a fait patienter plusieurs secondes pendant qu'il essayait de se souvenir des paroles japonaises de son pastiche de fausset de Glenn Medeiros. Pour moi, ce fut la goutte qui a fait déborder le vase (s'cusez la).

Matthew McConaughey (Sean Penn n'était pas disponible?) a poursuivi le conte aux États-Unis (en mode «canné», toujours). À Las Vegas, sa terre d'accueil, le Cirque du Soleil a offert un numéro de pseudo-pirates plutôt réussi (que rendait mal la captation télévisuelle). Pendant son spectacle à Tampa, Bono a enfin parlé à Guy Laliberté de sa mission. «Tu es le premier clown dans l'espace», a-t-il déclaré. En effet. Plan de coupe. On enchaîne avec une prestation, préenregistrée encore, de U2. Dommage pour la magie du direct.

Bref, on s'attendait à mieux de la part du fondateur du Cirque du Soleil que ce show écolo sirupeux au vernis humanitaire, drapé de bons sentiments. On ne peut être contre la vertu. Mais on peut être contre le mauvais goût.

 

Photo Bernard Brault, La Presse

Le spectacle avait pourtant bien commencé, en direct de la Tohu, quartier général du Cirque du Soleil à Montréal.