L'été est sombre pour les hôteliers, écrivait hier ma collègue Louise Leduc. Depuis le début de l'année, le taux d'occupation des hôtels est en baisse de 8 % à Montréal. Il y a moins de touristes en ville. Dans le Vieux-Montréal, c'est évident. Soleil radieux samedi après-midi, une rareté, et à peine quelques centaines de personnes dans le Vieux-Port.

Alors, on se met à penser: que faire? Dans cette ville où l'on peut craindre à tout moment que le ciel nous tombe sur la tête, où il faut des années de tergiversations pour piétonniser un tronçon de rue, où un compteur d'eau compte triple au Scrabble, c'est une question plus compliquée qu'elle n'en a l'air.

Promenez-vous rue Saint-Paul, entre le boulevard Saint-Laurent et la rue McGill. Il y a à peine assez de place pour que des piétons se croisent sur le trottoir sans se marcher sur les pieds. À peine assez pour qu'une voiture circule dans la rue sans accrocher un rétroviseur. Le bon sens dicte que la rue Saint-Paul, toute la rue Saint-Paul (pas seulement autour du Marché Bonsecours), soit interdite à la circulation automobile l'été alors qu'elle est abondamment fréquentée par les touristes. On vient de piétonniser une partie de Broadway, à Manhattan, pour y installer des terrasses. La rue Saint-Paul à Montréal? Trop compliqué.

Montréal, l'été, est un festival. Une flopée de festivals. Des petits et des grands, des marginaux et des plus populaires, qui se suivent plus ou moins sans nécessairement se ressembler. Le bon sens commande que la ville profite de sa manie des festivals pour se mettre en valeur, pour devenir LA destination nord-américaine des festivals. J'habite Lille ou Guadalajara, Phoenix ou Bâle, j'ai envie de vivre une expérience culturelle unique: je voyage à Montréal où, pendant cinq ou six semaines, sans arrêt, on me promet un ensemble hétéroclite de festivals de musique, d'humour, de théâtre, de cirque, de cinéma, etc.

Le hic, c'est que Montréal n'est la capitale des festivals que dans sa tête. Dans celle de ses politiciens surtout. Montréal accueille l'été multitude de festivals disparates n'ayant strictement rien en commun. Il lui manque une signature unique, une unité de ton pour en faire une réelle ville de festivals à l'échelle internationale. Un «branding», comme disent les gourous du marketing. Demandez au quidam, dans une ville européenne ou américaine, s'il associe Montréal et «capitale des festivals»...

Il y a moyen de donner une cohésion aux manifestations existantes, et d'en arrimer d'autres, afin de créer une authentique étiquette «festivalière» pour Montréal.

Gilbert Rozon en parle depuis longtemps. Le lancement de ZooFest, dans le cadre du Festival Juste pour rire, participe de cette logique du melting pot. Occuper tout le terrain festivalier, toutes disciplines confondues, à un moment précis de l'année, pour attirer, non seulement le jazzophile averti ou l'amateur d'humour, mais le touriste urbain tout court. Édimbourg le fait avec succès de la fin juillet au début septembre.

La plupart des éléments sont en place. Il s'agit seulement d'animer les périodes creuses et de donner une couleur collective à l'ensemble. Pourquoi ne le fait-on pas? Pourquoi n'attache-t-on pas d'une ficelle le Festival de jazz, Juste pour rire, les FrancoFolies, le futur Festival du cirque, tous les OFF, Fringe, Fantasia et autres festivals de l'été sous une même bannière générale? Pourquoi ne chapeaute-t-on pas d'une identité forte et commune tous ces éléments bigarrés? Pourquoi ne ferions-nous pas la promotion à l'étranger de «Montréal, ville-festival» ?

Parce que c'est compliqué. Parce que piétonniser une rue exiguë dans un quartier de la ville où le tourisme est florissant relève pratiquement de l'exploit. Parce que le paysage des festivals, qui est affaire de gros sous, est dominé par des têtes fortes qui veulent tout diriger sans rien céder de leurs prérogatives. Ce n'est pourtant pas ce qu'on leur demande. Pas plus qu'on ne leur demande d'affaiblir de quelque façon leur marque de commerce respective.

Les festivals partagent de plus en plus le même terrain de jeu. La nouvelle place des Festivals aura servi au Festival de jazz, comme à Juste pour rire et aux FrancoFolies. Plusieurs festivals montréalais ont une identité forte, bien établie à l'étranger. Pourquoi ne mettraient-ils pas ces identités en commun, dans un esprit de collaboration, pendant une période donnée, pour le bien de la ville? Pour leur propre bien aussi. Plus le pouvoir d'attraction de Montréal est grand, plus nombreux sont les touristes, plus heureux sont les dirigeants de festivals. Cela va de soi, non?

 

Photo: Robert Skinner, La Presse