Mario Clément a fini par payer pour son arrogance. L'ancien directeur des programmes de Radio-Canada a déclaré à propos de la série Félix Leclerc, en mars 2005, deux jours après la diffusion de son premier épisode, qu'elle était «l'une des plus mauvaises» qu'il ait vues à la télévision.

«Félix Leclerc est le parfait exemple de ce qu'il ne faut pas faire. (...) Je n'aime pas la réalisation, les textes et les acteurs», avait ajouté Mario Clément à l'occasion d'une conférence de presse téléphonique, en précisant qu'il n'avait «rien à foutre» de l'opinion de son réalisateur Claude Fournier.

 

Le réalisateur et sa productrice, Marie-José Raymond, ont rappliqué avec une poursuite de 4,3 millions de dollars contre Radio-Canada et M. Clément.

Mardi, le juge Richard Wagner a donné raison au couple Fournier-Raymond et lui a accordé 200 000$ en dommages et intérêts. «Les gestes et les propos abusifs de Mario Clément dépassent la simple critique légitime de la série, conclut le juge Wagner. Ils représentent un abus de droit et un règlement de comptes tout aussi inattendus que répréhensibles.»

Le juge Wagner a sans doute raison de reprocher à Mario Clément l'inélégance de ses propos. «Mario Clément et la SRC ont enfreint leur obligation de bonne foi et ont abusé de leur position privilégiée», estime-t-il. En effet, désavouer publiquement une oeuvre que l'on a accepté de diffuser, au surlendemain de sa mise en ondes, relève du plus grand manque de diplomatie.

De cela, Mario Clément est certainement coupable. Comme il est coupable d'une certaine forme de mépris. Il est aussi «coupable» d'avoir livré le fond de sa pensée et, ce faisant, d'avoir dit tout haut ce que plusieurs avaient déjà écrit dans les journaux. Interrogé par des journalistes qui avaient détesté la minisérie Félix Leclerc, Mario Clément a été honnête. Ni plus ni moins. Aujourd'hui, il paie le prix de cette honnêteté. Toute vérité n'est pas bonne à dire...

C'est le grand paradoxe de la décision du juge Wagner qui, évidemment, ne se prononce pas sur la qualité de l'oeuvre au coeur du litige. D'autres ont fait le procès de la minisérie Félix Leclerc bien avant lui, dans les médias. À l'unanimité, ils ont déterminé que de mémoire de téléspectateurs avertis, ils avaient rarement rencontré oeuvre plus navrante que cette malencontreuse parodie de téléroman. Et ils ont déclaré Claude Fournier coupable.

Soit, le juge Wagner n'a pas «erré en droit» (excusez le jargon juridique) en statuant que les déclarations de Mario Clément étaient inacceptables dans les circonstances. Mais Mario Clément n'a pas davantage «erré en fait» en déclarant que «tout était pourri» dans Félix Leclerc.

C'est un fait incontestable: cette minisérie est nullissime. Assez pour que Louise Lantagne, qui a succédé depuis à Mario Clément à la direction des programmes de la SRC, exige que son nom soit retiré du générique.

La télésérie Félix Leclerc est le parent pauvre du Coeur a ses raisons, sans la dérision, avec une perruque encore plus ridicule et des personnages invraisemblables qui surgissent des marais comme de La planète des singes. Jamais une série plus involontairement burlesque n'a vu le jour à la télévision publique. Il n'y a pas un jugement du tribunal qui pourra le contredire.

Aussi, on ne s'étonne pas que le juge Wagner n'ait accordé que 200 000$ des 4,3 millions en dommages réclamés, à Claude Fournier et Marie-José Raymond. La réputation de réalisateur de Claude Fournier ne vaut pas davantage à mon avis. Le dernier long métrage du cinéaste de J'en suis (une horreur) et de La pomme, la queue et les pépins (l'archétypale «fourniaiserie»), Je n'aime que toi (2004), a fait 191 $ à son troisième week-end à l'affiche. Pas 1 910 000 $. 191 $. On est loin de 4,3 millions, si l'on tient à parler en dollars.

Au terme d'un procès qui a coûté cher à l'État et à Radio-Canada (bref, à nous tous), j'ai une question toute simple: est-ce que tout ce crêpage de chignon en a valu la peine? La réputation de Claude Fournier s'en trouve-t-elle améliorée? Et celle de Mario Clément?

La «victoire» de Claude Fournier devrait lui faire craindre le pire: d'être à son tour poursuivi pour atteinte télévisuelle à la réputation de Félix Leclerc par la succession du poète. À la place de Francis et de Nathalie, j'y songerais sérieusement.