Le gouvernement Trudeau est-il en train de « s'acheter » un siège (temporaire) au Conseil de sécurité des Nations unies en mettant en danger la vie de soldats canadiens ?

Ce n'est pas encore officiel mais le Canada envisage sérieusement d'envoyer quelque 600 militaires participer à la mission internationale de paix au Mali - une mission qui, de fait, n'a rien d'une opération de maintien de la paix. Il n'y a hélas pas de paix durable à maintenir au Mali et dans la zone subsaharienne périodiquement ravagée par les opérations sanglantes du groupe État islamique (EI). En moins de trois ans, 18 militaires français et 109 Casques bleus africains y ont trouvé la mort, dont 34 cette année...

Certes, en envoyant des troupes au Mali, le Canada verra sa crédibilité au sein de l'ONU augmenter considérablement, et ce sera autant d'eau au moulin dans sa campagne pour obtenir le siège que le Conseil de sécurité devra pourvoir en 2020, en remplacement du Portugal.

Mais ce serait une grave erreur que de voir dans la mission malienne un simple désir vaniteux de bomber le torse sur la scène internationale.

C'est d'abord et avant tout une question de devoir moral envers nos alliés, notamment la France, qui est pratiquement seule à combattre sur le terrain les avancées de l'EI et d'AQMI (Al Qaïda au Maghreb islamique) dans la région du Sahel.

La France est intervenue en 2013 pour empêcher les islamistes de prendre Bamako, la capitale malienne, où vivaient nombre de citoyens français, et qui est la tête de pont de cette zone d'influence française. Elle y est restée depuis, avec quelque 3000 hommes et l'assistance de troupes africaines mal entraînées regroupées sous l'égide de l'ONU. Les Pays-Bas ont contribué à la mission pendant trois ans en envoyant sur place jusqu'à 380 troupes au sol et des hélicoptères de combat, mais leur engagement prend fin cette année. Au tour du Canada...

Il y a longtemps que la France demande l'aide du Canada, et pour cause. Ses effectifs militaires sont à bout de souffle, écartelés entre la coalition contre l'EI au Moyen-Orient, la zone du Sahel et la lutte contre le terrorisme sur le territoire même de l'Hexagone.

Une dernière pression est venue du responsable onusien des missions de paix, Atul Khare, qui était la semaine dernière au Canada. Aux côtés du ministre canadien de la Défense, Harjit Sajjan (lequel revient justement d'un voyage de reconnaissance au Mali), M. Khare a plaidé en faveur d'une participation canadienne pour protéger les troupes au sol et les populations civiles, constamment soumises aux attaques de groupes terroristes.

On se souviendra, en particulier, des 30 civils (dont six humanitaires québécois) assassinés en janvier dernier par des terroristes islamistes au Burkina Faso, voisin frontalier du Mali.

Ce sera, n'en doutons pas, une mission dangereuse - une mission à laquelle s'était dérobé l'ancien premier ministre Stephen Harper, pourtant réputé plus militariste que Justin Trudeau.

Dans un bizarre renversement des rôles, ce dernier se trouvera, sur ce sujet, contesté par l'opposition conservatrice, qui estime non sans raison que cette mission devra faire l'objet d'un débat au Parlement. En effet, loin de participer à une mission de paix sans danger (comme à Chypre, où rien ne se passe), le Canada se trouvera dans un rôle de combat. C'est aussi le cas en Irak, même si le gouvernement ne l'avoue pas ouvertement.

L'opposition ne se privera pas d'agiter des arguments isolationnistes - comme le fait que le Mali n'a pas d'importance économique ou géopolitique pour le Canada. C'est pourtant faux. Aussi éloigné soit-il géographiquement, ce qui se passe au Mali et dans la zone subsaharienne est d'importance capitale pour le monde entier, car il s'agit d'empêcher que s'y reforment les coalitions terroristes qui ont décimé la Libye et une partie du Moyen-Orient... et dont le but ultime est de semer la terreur en Occident.

Rappelons que la situation au Mali provient en grande partie de l'effondrement de la Libye, après l'offensive désastreuse menée par l'OTAN contre le régime Kadhafi, à l'initiative de l'ancien président Sarkozy. Le pays, devenu un état failli, est maintenant la rampe de lancement du terrorisme islamiste vers le Maghreb et l'Afrique subsaharienne. Le président Hollande, en envoyant ses armées combattre au Mali, a ramassé les pots cassés par son prédécesseur. Le Canada est lui aussi responsable en partie de la catastrophe libyenne à laquelle ses militaires ont participé sous l'égide de l'OTAN. Il est de son devoir d'aider la France à contenir la menace islamiste dans cette région fragile et démunie.