Ce sera un référendum sans Oui ni Non. On votera pour le « in » ou pour le « out ».

Dans le vocabulaire coloré de la politique britannique, les « innies » (ou « remainiacs ») et les « outies » (ou « brexiteers »), sont lancés à fond de train dans la bataille du Brexit (contraction de British et exit).

Le 23 juin, les Britanniques voteront pour ou contre le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne au terme de la campagne référendaire qui s'est ouverte la semaine dernière.

Elle sera virulente, chargée d'émotions troubles et de hargne raciale. Si le Parti travailliste et le Parti national écossais défendent la cause européenne, l'affaire - activée au départ par les séparatistes d'extrême droite du parti UKIP - divise âprement les rangs du gouvernement conservateur de David Cameron.

La moitié du caucus parlementaire, rompant avec le premier ministre, est en faveur du « out », de même qu'une bonne partie des cadres locaux du parti.

En outre, le premier ministre Cameron s'est trouvé affaibli par la dissidence spectaculaire de Boris Johnson, le populaire maire de Londres qui a viré son capot à la dernière minute, optant bruyamment pour le « out » quelques jours à peine après avoir assuré son « grand ami » Cameron de son indéfectible appui.

On soupçonne que Johnson, un homme brillant et fantasque doublé d'un fameux démagogue (et reconnaissable à son toupet blond à la Trump), compte profiter du référendum pour succéder à Cameron à la tête du parti. Ce dernier devra sans doute démissionner s'il perd son pari.

J'ai passé quelques jours à Londres la semaine dernière. Mis à part les manchettes criardes des journaux (presque tous en faveur du « out » à l'exception notable du Guardian), on n'aurait pas cru que le pays se trouve à la veille d'un grand déchirement. Un déchirement qui risque d'affaiblir considérablement une Europe déjà fragilisée, voire d'achever le démantèlement d'une union dont la cohésion s'érode de jour en jour sous l'effet de la crise des migrants.

Non pas que la Grande-Bretagne soit un partenaire très actif de l'UE. Elle n'est ni dans la zone euro ni dans l'espace Schengen. Mais le retrait de la deuxième puissance économique (après l'Allemagne) et de la deuxième puissance militaire (après la France) affecterait l'équilibre politique européen et risquerait d'aggraver le processus de dislocation.

Déjà, les Pays-Bas et la République tchèque commencent à parler de référendum, et d'autres pays risquent de réclamer à leur tour des concessions analogues à celles que David Cameron a négociées de peine et de misère avec Bruxelles... mais que les « outies » jugent risibles et insignifiantes.

Qu'importe l'ouragan politique qui se lève, Londres vit sa vie, entre ses grands parcs et ses places d'affaires frénétiques, entre sa grandeur impériale et son intense modernité, toujours excentrique et toujours superbement isolée de cette Europe que les Anglais appellent encore « the continent », comme s'ils n'en faisaient pas partie.

La triste ironie, c'est que la Grande-Bretagne est en grande partie responsable des problèmes que traverse l'UE.

Les Anglais n'ont jamais cru au projet européen, et jamais vu l'UE comme autre chose qu'une simple zone de libre-échange.

Ce sont eux qui ont fait pression pour que l'UE s'élargisse à l'est, histoire d'ouvrir davantage de marchés aux exportations britanniques, sans égard au fait que ces pays de l'ancienne URSS avaient un niveau de vie beaucoup moins élevé que la zone ouest et qu'ils étaient, au surplus, dépourvus de tradition démocratique.

Quoi d'étonnant à ce que ces pays refusent de s'acquitter de leurs obligations en ce qui concerne, notamment, les quotas de réfugiés ? En bref, l'Europe affronte aujourd'hui des problèmes insurmontables qui n'existeraient pas si ses frontières s'arrêtaient à l'est de l'Allemagne (incluant l'Autriche). Le Brexit, s'il se produit, ne fera qu'empirer les choses.