Deux très bonnes nouvelles ont émergé de la primaire de l'Iowa.

Primo, le triomphe imprévu de Bernie Sanders indique que le couronnement de Hillary Clinton, quoiqu'il reste infiniment probable, ne sera pas aussi facile que prévu.

Secundo, l'excellente performance de Marco Rubio, le jeune sénateur de la Floride, laisse croire que les républicains se donneront un candidat plus présentable que les Trump et les Cruz.

M. Sanders, sur qui personne n'aurait parié cinq dollars il y a un an, a fini la course à trois dixièmes de point de pourcentage de Mme Clinton - aussi bien dire ex aequo. Il pourrait aussi remporter la primaire du New Hampshire, mardi prochain.

Bien sûr, le sénateur du Vermont sera en terrain sûr chez ses voisins du New Hampshire. Bien sûr, l'Iowa, un petit État blanc et agricole, n'est aucunement représentatif de l'ensemble du pays.

N'importe. M. Sanders n'arrivera sans doute pas à entraver durablement la course au pouvoir de Hillary Clinton, qui a derrière elle tout l'establishment du parti et de phénoménales ressources financières, mais ses succès auront un impact psychologique certain, et pourraient amener bien des électeurs à s'interroger sur les liens de l'ex-première dame avec la haute finance. (Nous reviendrons là-dessus ces prochains jours).

En Iowa, plus de 80 % des jeunes démocrates se disaient partisans du sénateur du Vermont, un homme qui pourrait être leur grand-père, mais qui incarne une valeur rare dans ces élections américaines pourries par l'argent : l'intégrité, et certaines aspirations égalitaires.

D'autres jeunes démocrates, dans d'autres États, auront la même réaction... laquelle pourrait s'étendre à une partie de la classe moyenne, même si M. Sanders aura toujours le handicap d'être un candidat marginal et sans moyens, qui serait incapable de battre la machine républicaine s'il portait les couleurs des démocrates.

Dieu sait pourquoi M. Sanders s'obstine à se présenter comme « socialiste » (ce qui va lui nuire auprès d'une majorité d'électeurs), alors qu'il ne l'est pas du tout, en tout cas pas au sens où on l'entend en dehors des États-Unis. M. Sanders est un bon vieux social-démocrate qui serait à la droite du NPD et parfaitement à l'aise au sein du Parti libéral canadien.

Du côté républicain, on a vu en Iowa pâlir l'étoile de Donald Trump, qui a démontré qu'un sondage n'est pas une élection, et qu'il ne suffit pas d'amuser les badauds et de multiplier les déclarations outrancières pour gagner en politique, mais qu'il faut aussi une solide organisation et un minimum de discipline.

Ted Cruz, au contraire, qui l'a dépassé de quatre points au fil d'arrivée, s'appuyait sur l'armature redoutable des évangélistes et de l'extrême droite du parti.

Marco Rubio, en se classant juste derrière Trump, a en quelque sorte gagné la bataille de la crédibilité.

On prédit que le « smart money » -  la manne des donateurs républicains -  ira dorénavant de son côté, et qu'il deviendra le candidat préféré de l'establishment du parti, où l'on sait bien que des extrémistes comme MM. Trump et Cruz n'auraient aucune chance de ramener le Grand Old Party au pouvoir.

En outre, les républicains modérés se méfient de l'électron libre qu'est Donald Trump et ils ont une peur bleue de Ted Cruz, qui pourrait se constituer un petit empire au sein du parti, à partir du Tea Party et de la droite religieuse.

Jeb Bush, qui aurait été le choix logique des modérés, n'a pas livré la marchandise. Reste l'autre sénateur de Floride, un Américain hispanophone, fils de réfugiés cubains, dont les origines modestes seront un contraste bienvenu avec le faste qui caractérise aujourd'hui la dynastie des Clinton.

La grande question concerne l'ancien maire de New York Michael Bloomberg, un homme en quelque sorte à cheval sur les deux partis, qui a déjà laissé entendre qu'il sauterait dans l'arène si la position de Hillary Clinton s'avérait problématique. Une hypothèse qui bouleverserait complètement le paysage... mais c'est beaucoup trop tôt pour l'envisager.