Pas facile de contrer l'avance du Front national (FN) dans cette France gangrenée par l'extrême droite.

Le Parti socialiste (PS), grand perdant du premier tour des élections régionales (il contrôlait la presque totalité des régions, il ne lui en reste que deux sur treize), a fait le sacrifice suprême : ses candidats se sont retirés de la course dans les régions où ils sont en troisième place, histoire de ne pas diviser l'opposition au FN et de laisser aux Républicains de Nicolas Sarkozy la chance de faire obstacle aux troupes de Marine Le Pen.

Le sacrifice de la gauche semble devoir porter ses fruits, si l'on en croit deux sondages de TNS Sofres qui indiquent que le candidat des Républicains Xavier Bertrand pourrait remporter la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie contre Marine Le Pen avec 53 % des voix, tandis que dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, la candidate du FN Marion Maréchal-Le Pen serait battue par le maire républicain de Nice Christian Estrosi, qui obtiendrait une majorité de 54 %.

Dans les deux cas, la défaite du FN tiendrait au ralliement massif des électeurs socialistes, dont les trois quarts se rallieraient au candidat de la droite classique.

Dans le Grand Est (Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne), l'autre région où le FN menait largement au premier tour, le candidat socialiste a maintenu sa candidature bien que le PS soit 10 points derrière le FN et cinq points derrière Les Républicains, mais rien ne dit que les électeurs lui resteront loyaux devant le spectre d'une victoire frontiste.

Avant même la fin du décompte de dimanche dernier, Nicolas Sarkozy annonçait que son parti Les Républicains (LR) s'en tiendrait à la politique du « ni-ni ». Ni retrait ni fusion avec les candidats socialistes.

La déclaration a été accueillie par des hurlements à gauche et un malaise certain au sein de la droite, d'aucuns accusant M. Sarkozy de se faire le complice du FN en refusant de recommander à ses candidats de se désister là où le PS est arrivé en deuxième place. L'ancien président est allé plus loin cette semaine en déclarant que « voter FN n'est pas immoral ».

Contre-argument des Républicains : en fusionnant leurs forces contre le FN, le PS et le LR donneraient raison à Marine Le Pen, qui accuse constamment les vieux partis d'être en collusion. Mais les électeurs ont le libre choix et pourraient bien d'eux-mêmes décider de faire échec au FN sans tenir compte des mots d'ordre de leurs dirigeants.

Les abstentionnistes, qui représentaient la moitié de l'électorat au premier tour, pourraient aussi faire pencher la balance (pour ou contre le FN) si le choc du premier tour les pousse à aller aux urnes.

Il reste que la montée spectaculaire du Front national place la droite républicaine dans une situation pour le moins délicate.

Ou LR tente de s'approprier certains thèmes du FN pour récupérer les électeurs qui ont glissé vers l'extrême droite (ce fut la stratégie de Nicolas Sarkozy durant la dernière campagne présidentielle), et il ne fait qu'accréditer les thèses du FN... au risque que l'électeur préfère l'original à la copie.

Ou bien LR laisse au FN le monopole de la parole sur les questions d'immigration, de sécurité et d'identité nationale, au risque de perdre une grande partie de la droite.

On verra donc dimanche si le triomphe des troupes de Marine Le Pen a procédé d'un choix clair ou s'il ne s'est agi que d'un coup de semonce, un vote de protestation à l'endroit du gouvernement et des élites traditionnelles.

On dit en France que le premier tour est le choix du coeur - ou de l'instinct -, mais que le second tour est celui de la raison et du calcul...