Qui sont ces deux belles blondes qui ébranlent la France jusque dans ses fondations ?

Marine, fille de Jean-Marie Le Pen, et Marion, sa petite-fille. La tante et la nièce. Dimanche prochain, au second tour de scrutin des élections régionales, elles régneront fort probablement sur le nord et le sud-est du pays, la première à la tête de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie (NPCP), la seconde à la tête de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA).

Onze millions de Français - des déshérités de la région sinistrée du nord aux héritiers fortunés de la côte méditerranéenne - vivront sous la tutelle du Front national (FN). Et c'est sans compter les quatre autres régions (sur 13) où le FN est en avance au premier tour.

Tout, dans cette famille, est atypique. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, c'est la plus jeune qui est la plus à droite. Si Marine a coupé les ponts, Marion reste proche du sulfureux fondateur du parti.

Marine Le Pen, deux fois divorcée, vit dans une famille recomposée avec ses trois enfants et son compagnon Louis Alliot, avocat et solide joueur de rugby, lui aussi divorcé et père de deux enfants. Vice-président du FN, il est en tête de liste dans la région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon.

Pour l'ultra-droite, Marine est « une soixante-huitarde anticatho ». Elle a refusé de participer aux manifs contre le mariage homosexuel et se félicite de voir des gais adhérer au FN.

Si Marine a passé sa jeunesse à fêter dans les discothèques, Marion, elle, est le produit d'une institution d'enseignement traditionaliste, l'Institut Saint-Pie X. Elle est mariée, croit-on comprendre, pour la vie, et mère d'une petite fille.

Il est difficile de réconcilier ses idées avec son allure. Elle a l'air d'une star de cinéma, avec ses jupes courtes, ses décolletés sexy, ses longs cheveux soyeux, son joli visage de madone, sa passion pour la moto...

Mais elle a la morale d'une Dame de Sainte-Anne. Elle pourfend les « défenseurs militants [de l'homosexualité] ». Si elle est élue présidente de région, elle abolira les subventions au planning familial, qui « véhiculent une banalisation de l'avortement » (sa tante l'a vertement contredite là-dessus).

Marine est pour le retour de la peine de mort. Marion est contre. Marine est catholique, mais non pratiquante, et « profondément attachée à la laïcité », ce qui n'est pas du tout le cas de la nièce, pour qui la France éternelle et catholique transcende les valeurs de la République. On dit qu'elle juge l'art contemporain « dégénéré » (étonnant rappel de l'idéologie nazie) et qu'elle aurait comparé la Réforme protestante à l'occupation allemande.

Au chapitre économique, les divergences sont encore plus stupéfiantes. Sous l'influence de l'ancien gaulliste Florian Philipot, Marine a donné au FN un programme bizarre, sorte de mixture d'extrême droite et d'extrême gauche : étatisme radical, sortie de l'euro, antiaméricanisme forcené... La nièce, elle, professe une idéologie libérale, ce en quoi elle se rapproche de la droite classique.

Qu'ont-elles en commun ? Le discours contre l'immigration et l'obsession de la sécurité, le rejet des élites traditionnelles, une approche populiste. Et du charisme à revendre.

Leurs liens sont charnels, profonds. Marine et Yann Le Pen, la mère de Marion, ont vécu ensemble leurs années de solitude, entre les mariages et les divorces. Quand Yann a accouché, c'est Marine qui l'a amenée à l'hôpital (le père biologique, le journaliste globe-trotter Roger Auque, s'était envolé). Marine a été pendant plusieurs années la seconde mère de Marion.

Mais si cette dernière reconnaît le leadership de sa tante et souhaite la voir à l'Élysée, elle en est devenue la rivale en termes médiatiques, et la concurrence s'accentuera si elles deviennent toutes deux présidentes de régions.