La ministre de la Justice vient de dévoiler les amendements qu'elle entend apporter au projet de loi 59 - un projet qui, sous prétexte de lutter contre la « radicalisation », nous prépare un régime de terreur intellectuelle, avec ses dispositions concernant les « discours haineux ».

On à peine à croire qu'après une commission parlementaire houleuse et des critiques tous azimuts, le gouvernement n'ait non seulement pas encore mesuré la portée liberticide de ce projet, mais qu'il ose soumettre à la population des amendements aussi risibles.

Maintenant, on va définir le discours haineux - un concept resté vague dans la première mouture du projet. L'article se lira comme suit : «  (le discours haineux) est, aux yeux d'une personne raisonnable, d'une virulence ou d'un extrême (sic) tel qu'il est susceptible d'exposer un groupe à la marginalisation ou au rejet, à la détestation, au dénigrement ou à l'aversion, notamment pour que ce groupe soit perçu comme étant illégitime, dangereux ou ignoble ». Passons sur la syntaxe approximative et l'accumulation ridicule des substantifs et des adjectifs.

Les auteurs de propos « haineux », donc, ne seront plus fichés et exposés sur l'internet (c'est un autre amendement), et diverses mesures de « redressement », dont l'aveu de culpabilité accompagné d'excuses publiques, pourront remplacer les amendes minimales prévues dans la mouture originale du projet de loi.

Comme dans les dictatures communistes ou dans le rite de la confession catholique, les pénitents devront être rééduqués et promettre de ne plus fauter.

Qui jugera leurs propos et leurs écrits ? La Commission des droits de la personne et de la jeunesse (CDPDJ), un organisme qui carbure à la rectitude politique. Même si cette commission était peuplée de sages épris de libertés civiles et capables de décoder les styles littéraires ou oratoires, le problème resterait entier, car ce qui est, aux yeux de Pierre, un torchon haineux sera, aux yeux de Jean, un pamphlet percutant et inspiré.

Qui est « la personne raisonnable » mentionnée au projet de loi ? Elle n'existe pas, la raison n'étant définie par aucun critère objectif dans une société moderne et pluraliste.

Ceux qui écrivent depuis des années pour le grand public savent à quel point le lecteur est subjectif. Le même texte, issu de la subjectivité d'un auteur, peut être interprété de mille et une façons souvent totalement contradictoires, selon les valeurs et les préjugés des lecteurs.

On pourrait fournir ici d'innombrables exemples de propos qui pourraient déclencher une plainte auprès de la CDPDJ et soumettre leur auteur à l'humiliation et à la vindicte publique. Imagine-t-on l'avenir qui attend celui qui aura été déclaré coupable d'homophobie ou de racisme par un organisme quasi judiciaire relevant de l'État ?

Avec cette loi, tous ceux qui expriment des opinions le moindrement controversées seront le gibier à abattre, et une vague d'autocensure recouvrira le Québec, ce Québec déjà si frileux devant les débats d'idées.

Ce projet de loi indigne d'une démocratie est, on le sait, une fleur lancée aux Charkaoui de ce monde pour les consoler, les pauvres, de se voir encadrés par des mesures contenues ailleurs dans le projet et qui entendent prévenir la radicalisation des jeunes musulmans.

Tant qu'à protéger les islamistes, notre bon gouvernement a décidé de mettre toutes les minorités dans la marmite... où l'on fera dissoudre notre liberté la plus fondamentale, celle de penser, de croire et de s'exprimer librement, quitte à se tromper ou à offenser les bonnes âmes.

Le pire, c'est que ce projet qui va causer des dommages infinis est inutile. Les propos haineux sont déjà interdits dans le Code criminel, la différence étant que la preuve doit passer par le système judiciaire - un filtre autrement plus rigoureux que le tribunal arbitraire et moralisateur de la CDPDJ.