Que faut-il pour être un bon député ? Il faut aimer son prochain, et travailler, travailler, travailler. Être en quelque sorte au service des autres à temps plein, telle est la grandeur et la misère du métier.

Ceux qui s'y donnent le plus à fond se butent parfois à l'ingratitude des électeurs, mais d'autres réussissent à devenir irremplaçables.

Deux exemples : un vieux routier et une jeune sortie de nulle part. Louis Plamondon et Ruth Ellen Brosseau. Leurs histoires font mentir tous les cyniques de la politique.

Louis Plamondon, 72 ans, entame son dixième mandat comme député de Bécancour-Nicolet-Sorel après avoir remporté 8000 voix de plus que son plus proche adversaire, triomphant de la désaffection ambiante envers le Bloc québécois. Le doyen de la Chambre des communes avait été l'un des quatre survivants de la vague orange de 2011.

Début août, ses deux principaux adversaires avaient déjà installé leurs affiches. Pas lui. Les siennes ne seraient prêtes qu'en septembre... mais pas de souci : « La campagne est tellement longue que rendus à l'élection, les gens ne verront même plus les affiches », disait-il à notre collègue Jean-François Bégin.

Les gens n'avaient pas besoin de voir ses affiches. Ce qu'ils ont vu, c'est son nom sur le bulletin de vote. Une croix, un crochet, et le voilà reparti, porteur de la confiance et de la loyauté de son monde.

À vrai dire, Louis Plamondon, s'il est un cas rare, n'est pas une exception. Il y a d'autres députés dont la longévité politique est légendaire, celles du péquiste François Gendron par exemple, député depuis 1976, ou de feu le libéral Gérard D. Levesque (dix mandats, mort en fonction).

Ruth Ellen Brosseau, cependant, est seule dans sa catégorie, son histoire étant une prodigieuse « success story », une sorte de conte de fée politique.

Ruth Ellen, vous vous souvenez ? C'était l'un des « poteaux » du NPD de 2011. Candidate dans Berthier-Maskinongé, une circonscription où elle n'avait jamais mis les pieds, serveuse dans un bar d'Ottawa, elle avait passé une partie de la campagne à Las Vegas. Miraculeusement élue, elle était l'une des mauvaises blagues de la vague orange.

Et puis, elle s'est mise au travail. A bravement affronté les moqueries. A studieusement appris son nouveau métier, a suivi des cours de français, a pris tous les dossiers à coeur (dont celui de la pyrrhotite, un minerai qui contamine les constructions de pierre de la région), a sillonné la circonscription sans relâche... pour finir par la remporter - pour de vrai cette fois - avec 10 000 voix de majorité, le meilleur score de l'équipe néo-démocrate !

Elle se battait contre un professeur d'histoire qui réside depuis 20 ans dans la circonscription et contre un homme d'affaires dont la famille y est enracinée depuis des générations.

La jolie blonde est devenue une vedette, on l'interpelle, on l'embrasse. « J'ai été une candidate poteau, disait-elle à Jean-François Bégin, mais je n'ai pas été une députée poteau. J'ai montré que j'étais capable d'être une bonne députée, même si je n'ai pas fait d'études universitaires. »

On a découvert, aussi, que loin d'être la Barbie frivole qu'on décriait en 2011, cette Ruth Ellen avait déjà en elle une force de caractère peu commune.

Enceinte de son fils à 16 ans, elle l'a élevé seule avec l'aide de sa famille, a occupé des emplois ingrats (vendeuse chez Zellers, employée dans un hôtel où elle a tenté de mobiliser les femmes de chambre pour obtenir de meilleurs salaires, ce qui lui a valu d'être congédiée...).

Deux députés, deux histoires... Il y en a bien d'autres. Que serions-nous sans ces élus ? Nous serions dans une dictature.