Personne n'a sorti le champagne pour célébrer le 20e anniversaire du dernier référendum, tant le résultat fut amer pour les deux camps. Un retour sur le passé n'est pourtant pas inutile, car l'histoire pourrait se répéter comme elle s'était répétée en 1995, puisque ce second référendum faisait suite à celui de 1980. Quand le Parti québécois reviendra au pouvoir, il sera encore question d'un référendum. Le troisième.

J'ai couvert, comme chroniqueuse politique, les référendums de 1980 et de 1995. En revivant ces événements pour la publication d'un livre qui vient de paraître aux Éditions Québec Amérique*, j'ai découvert de troublantes similitudes entre ces deux périodes cruciales de notre histoire.

Chaque fois, les souverainistes ont caché la portée réelle de leur option sous un emballage ambigu et trompeur. Chaque fois, les fédéralistes se sont trouvés pris au dépourvu, incapables de défendre franchement le Canada tel qu'il était. Si les premiers ont fait croire aux électeurs qu'un Oui n'entraînerait aucune rupture, les seconds leur ont fait croire qu'un Non amènerait des changements constitutionnels à l'avantage du Québec. Dans les deux cas, c'était faux.

1980 : le PQ de René Lévesque propose un « mandat pour négocier » la souveraineté-association, comme si les deux opérations étaient simultanées. Pendant ce temps, le chef du camp du Non, Claude Ryan, fait campagne sur un projet de « fédéralisme renouvelé » qu'il a concocté en vase clos, sans qu'aucun décideur du Canada anglais n'y soit associé.

1995 : la coalition Parizeau-Bouchard-Dumont propose une souveraineté miraculeusement assortie d'un « nouveau partenariat » que personne, au Canada anglais, n'a entériné. De son côté, le chef du camp du Non, Daniel Johnson, fait campagne en proposant une formule édulcorée de l'accord du lac Meech et plus tard, paniqué par l'avance du Oui, se fera le champion d'une réforme constitutionnelle dont personne ne veut en dehors du Québec.

Durant ces deux campagnes où tant les fédéralistes que les souverainistes se répandirent en faux-fuyants et en demi-vérités, seuls deux hommes ont eu les idées claires : Pierre Elliott Trudeau et Jacques Parizeau.

Trudeau, contrairement à ce qu'on lui a fait dire, n'a jamais promis de céder au Québec de nouveaux pouvoirs ou un statut particulier. Son seul projet (qu'il a réalisé) était le rapatriement de la Constitution et la Charte des droits.

Parizeau, en indépendantiste authentique, avait détesté la démarche référendaire ambivalente de 1980. Une fois premier ministre, il comptait poser une question claire et directe sur la souveraineté. Ce sont les pressions de Lucien Bouchard et de ses principaux lieutenants qui ont fait dérailler sa stratégie et l'ont forcé à retourner dans les ornières vaseuses de 1980, avec une question encore plus trompeuse que celle du premier référendum.

Si le Oui l'avait emporté, fort de ses pouvoirs comme premier ministre, Parizeau aurait vite fait couler le projet utopique de « partenariat » (lequel promettait que le Québec « souverain » conserverait le passeport canadien !). Mais alors, les Québécois qui auraient voté pour « un meilleur deal » auraient été floués.

Dans le cours de mes recherches sur les événements qui se sont produits entre les deux référendums - soit l'épisode du rapatriement et les pourparlers faisant suite à l'échec de Meech -, j'ai découvert une constante inquiétante : aucun gouvernement, qu'il soit péquiste ou libéral, n'a su négocier intelligemment avec le reste du Canada. La colère ou le ressentiment remplaçaient la stratégie. Chaque fois, le Québec s'est arrangé, consciemment ou non, pour ressortir des négociations en se posant en victime.

Après ces aventures débilitantes, le Québec reste dans des limbes politiques, à la fois incapable de réaliser l'indépendance et incapable de profiter de son appartenance au Canada...

* Chroniques référendaires ; les leçons des référendums de 1980 et de 1995