Il y a toujours un coût à la popularité. Plus le NPD de Thomas Mulcair semble avoir le vent dans les voiles, plus on commencera à scruter son programme, à analyser ses positions... et ce ne sera pas toujours à son bénéfice.

Ainsi, les engagements du NPD sur la loi sur la clarté risquent de lui nuire considérablement au Canada anglais. Quand le NPD avait promis de revenir sur cette loi - sous Jack Layton, dans un congrès tenu à Sherbrooke et peu couvert par les médias -, personne n'y avait trop prêté attention.

Le parti n'avait aucune chance de former le gouvernement (c'était avant l'imprévisible vague orange de 2011), et le spectre de la sécession s'était plus ou moins dissous.

Aujourd'hui, la donne a changé. Avec l'arrivée de Pierre Karl Péladeau au Parti québécois, la « menace » d'un troisième référendum est revenue à l'avant-plan.

Thomas Mulcair sera obligé de préciser la position de son parti sur un enjeu crucial : faut-il respecter la loi (basée sur un avis de la Cour suprême) en requérant, avant toute négociation, qu'une « majorité claire » (donc bien supérieure à 50 % plus une voix) ait voté Oui ? Ou faut-il, comme le voulait la « déclaration de Sherbrooke », s'en tenir aux règles en vigueur aux référendums de 1980 et 1995 et accepter le principe de la majorité simple ?

Jack Layton, en son temps, avait artistiquement patiné quand on l'avait interrogé là-dessus, coincé entre son désir d'attirer les nationalistes québécois et l'obligation de respecter une loi à laquelle tient le reste du Canada. On peut compter sur les libéraux de Justin Trudeau pour ramener la question sur le tapis. La défense de l'unité canadienne reste le point fort de ce parti au Canada anglais, et plus il se sentira menacé par le NPD, plus il enfourchera ce cheval de bataille.

Soit le NPD s'entête dans sa position, et il donnera l'impression d'être l'otage du Québec, soit il modifie sa position, au risque d'abîmer sa crédibilité et de mécontenter son gros caucus québécois. Joli dilemme...

Dans la foulée des sondages favorables au NPD, on a déjà commencé à scruter d'autres aspects du programme néo-démocrate. Michael Den Tandt, le chroniqueur politique de la chaîne Postmedia, a ouvert le bal en soulignant les promesses coûteuses du NPD : salaire minimum à 15 $, augmentation de 6 % des transferts en santé, réduction de taxes pour les petites entreprises, programme national de garderies calqué sur celui du Québec (mais à 15 $ par jour), et tutti quanti.

Mulcair a beau avoir tiré le parti vers le centre, le NPD reste collé aux intérêts des gros syndicats... notamment ceux de la Poste. Ainsi promet-il le retour de la livraison quotidienne du courrier à domicile, un système qui perd 250 millions par année !

Thomas Mulcair avait critiqué l'industrie pétrolière et gazière de l'Ouest sous prétexte que cela entraînait le pays dans le « Dutch disease » et pénalisait l'industrie manufacturière ontarienne, mais le dollar a baissé comme le prix du pétrole et l'industrie manufacturière ne s'est toujours pas relevée. On ignore tout de la stratégie industrielle du NPD.

Le refus du NPD de participer à l'offensive militaire contre le groupe État islamique - initiative pour l'instant populaire - sera critiqué. Plus encore ses engagements irréfléchis, comme la promesse d'abolir le Sénat.

Les Canadiens ne tiennent guère au Sénat, c'est vrai, mais pour l'abolir, il faudra rouvrir la Constitution et entraîner tout le pays dans le maelström d'un autre cauchemar constitutionnel ! Est-ce bien cela que veut Thomas Mulcair ?

Si son parti continue à monter dans les sondages, ce dernier aura du pain sur la planche. Du pain qui sera parfois dur à trancher !