À cinq mois des élections, le NPD semble avoir le vent dans les voiles dans l'ensemble du Canada, encore que son avance, si avance réelle il y a, soit pour l'instant relativement ténue.

Le seul élément dont on dispose pour l'instant est un sondage Ekos qui place le NPD nez à nez avec le Parti conservateur (29,6 contre 28,1 %), mais avec une marge d'erreur de 1,9 %.

Le NPD pourrait devancer le PC, mais il pourrait tout aussi bien être derrière. Tout ce que ce sondage indique, c'est une tendance à la hausse pour le NPD... et surtout, un net recul pour le Parti libéral, qui dégringole à 26 %, cessant du coup (et pour l'instant) de constituer la principale menace au gouvernement Harper.

Effectivement, s'il y a remontée du NPD sur la scène pancanadienne, c'est essentiellement à la baisse du PLC que Thomas Mulcair doit sa bonne fortune. Les deux partis de l'opposition se disputent la même clientèle. Ils sont pris dans l'enfer des vases communicants : ce que l'un perd, l'autre le gagne... Une situation qui pourrait éventuellement faire l'affaire des conservateurs.

Justin Trudeau a été élu à la tête de son parti dans une odeur d'encens et de gelée royale parce qu'il s'appelait Trudeau, mais l'incohérence de ses positions (notamment sur l'offensive militaire en Irak et le projet de loi antiterroriste), de même que son manque de maturité politique évident lui ont fait perdre des appuis, surtout en comparaison avec l'image de sérieux que s'est construit M. Mulcair par son travail rigoureux comme chef de l'opposition.

La phrase la plus entendue, parmi ceux qui souhaitent la fin du gouvernement Harper, est celle-ci : « Ah ! Si les libéraux étaient dirigés par Mulcair plutôt que par Trudeau ! » Avec une telle combinaison gagnante, le PLC aurait sans doute déjà une très bonne avance, et l'on n'en serait pas à patauger dans la marge d'erreur des sondages.

Autrement dit, les libéraux se sont trompés de chef, et M. Mulcair - lui-même un ancien libéral au provincial - s'est trompé de parti !

Ceux qui seraient naturellement portés à voter libéral parce qu'ils se méfient du NPD hésitent à confier les rênes du pays à Justin Trudeau. Certains se rassurent en se disant que ce dernier sera entouré (peut-être) de bons conseillers, mais c'est un peu de la pensée magique, car dans notre système parlementaire, le pouvoir personnel du premier ministre est énorme - plus étendu, en fait, que celui du président américain, qui se heurte au contre-pouvoir du Congrès.

Il est possible que la victoire surprise du NPD en Alberta ait procuré au NPD fédéral une petite embellie, mais la preuve a déjà été faite qu'il n'y a pas de convergence entre les partis fédéraux et provinciaux. Pendant des années, le NPD fédéral a végété tandis que se succédaient dans les provinces de l'Ouest des gouvernements néo-démocrates forts et influents. Plus récemment, la victoire des libéraux de Kathleen Wynne, en Ontario, n'a pas bénéficié au PLC, pas plus que la vague orange au Québec n'avait bénéficié au NPD fédéral, qui est longtemps resté, après les élections de 2011, à la traîne des autres partis. L'électeur, en somme, vote en fonction de ce qui se passe dans son propre environnement.

Un sondage CROP montrait récemment une montée du NPD au Québec, M. Mulcair surpassant de très loin les autres leaders. Mais cela ne changera pas la donne pour ce qui est de la prochaine élection fédérale. Il serait surprenant que le NPD récolte plus de sièges que les 57 qu'il détient présentement. Tout ce que ce sondage CROP indique, c'est qu'au Québec, l'étoile de Justin Trudeau a définitivement perdu son éclat, et que le Bloc n'arrive pas à s'imposer.