C'est quand même incroyable. Alors que le gouvernement Harper ne cesse de durcir ses politiques pénales, les États-Unis, pourtant les grands champions du genre, commencent à se rendre compte que les peines de prison trop longues sont contre-productives.

Détail révélateur, que rappelait récemment Jeffrey Simpson dans le Globe and Mail, la remise en question est même le fait des républicains, de tout temps les promoteurs de la philosophie vengeresse du « tough on crime ».

Des républicains d'extrême droite comme les sénateurs Rand Paul et Ted Cruz, tous deux candidats à l'investiture pour l'élection présidentielle, souhaitent limiter les peines minimales obligatoires. D'autres candidats s'interrogent sur les solutions de rechange à la prison, comme dans le cas des trafiquants de drogue, qu'il serait plus utile de traiter que d'envoyer en taule.

Le gouverneur de Floride Jeb Bush, que d'aucuns voient comme le futur gagnant des primaires républicaines, fait partie d'un groupe de recherche conservateur qui explore d'autres avenues moins coûteuses et plus efficaces que l'incarcération.

Autre exemple cité par Simpson, celui de l'ancien gouverneur du Texas Rick Perry, lui aussi candidat à l'investiture républicaine, qui déclarait récemment qu' « un gros système dispendieux - un système qui ôte aux détenus tout espoir d'une seconde chance - n'est pas une politique conservatrice. Les conservateurs devraient être "smart [plutôt que tough] on crime" ».

Même la fondation Koch, le bastion de l'extrême droite, reconnaît que le système ne fonctionne ni pour la société ni pour les détenus.

C'est sur la voie inverse qu'est lancé le Canada de Stephen Harper. Une voie répudiée par ceux qui en étaient les premiers promoteurs ! Car ne nous méprenons pas, de tels propos sont d'autant plus significatifs qu'ils viennent de candidats qui briguent l'investiture du Parti républicain et qui ont donc intérêt à faire écho à ce que pense la base du parti. Il s'agit d'une tendance lourde.

À court terme, le Canada risque de devenir, avec les dictatures du tiers-monde, le seul pays au monde à enfermer ses criminels pour la vie sans possibilité de libération conditionnelle. L'Europe avait déjà un système pénal beaucoup plus libéral - avec des peines plus courtes et sujettes à révision périodique. Si les États-Unis remettent en question la philosophie de la répression extrême, le Canada sera bientôt aussi isolé, sur cette question, que sur les enjeux climatiques.

Les républicains américains ne sont pas réputés pour avoir le coeur tendre. Pour certains, ce sont des raisons de coût, davantage que de droits humains, qui militent en faveur d'un changement. Effectivement, l'approche « tough on crime » a multiplié par sept le nombre de détenus aux États-Unis. Les prisons sont engorgées, de plus en plus peuplées de détenus qui, ayant perdu tout espoir d'une libération éventuelle, sont de plus en plus violents. Qu'ont-ils à perdre ?

C'est le sort qui attend le Canada si son gouvernement n'amorce pas un virage. À force d'être modifiée par des lois de plus en plus répressives, la politique judiciaire et carcérale canadienne a occulté la notion de réhabilitation. Comble de l'absurde, ce durcissement s'est produit alors que toutes les statistiques montrent que les crimes violents sont en diminution !

Il ne s'agit pas d'être « soft on crime », mais de regarder la réalité en face. Combien coûte un détenu pensionnaire à vie de l'État ? Combien coûte un détenu qui, après avoir payé pour son crime, devient ou redevient un membre productif de la société ?

PRÉCISION

À la suite de ma chronique sur l'hommage de 101 artistes à Pierre Karl Péladeau, le chansonnier Claude Gauthier nous fait savoir qu'il n'a jamais, quant à lui, reçu de subventions d'aucun gouvernement.