On le sait, le gouvernement Harper a pris aveuglément le parti de Kiev contre Moscou dans le conflit ukrainien, malgré le fait que le Canada n'ait aucun intérêt national dans cette guerre civile.

Et l'on sait pourquoi: à l'approche des élections, les conservateurs veulent soigner l'électorat canado-ukrainien (très fort dans les régions rurales de l'Ouest).

Ce faisant, non seulement le gouvernement entraîne-t-il le Canada dans une aventure douteuse, mais encore il s'associe, serait-ce involontairement, avec de dangereux personnages.

Après avoir fourni au gouvernement ukrainien une aide de 570 millions pigés dans la caisse que garnissent à la sueur de leur front les contribuables canadiens, le gouvernement enverra cet été 200 soldats canadiens pour conseiller les troupes ukrainiennes dans leur combat contre les séparatistes de l'est du pays (lesquels sont appuyés par la Russie).

Petit problème, le Canada risque de contribuer ainsi à la formation des militants néonazis qui pullulent en Ukraine. Plusieurs milices d'extrême droite ont été intégrées à l'armée régulière - une armée qui était au départ une mauvaise blague, composée en partie de recrues sans formation... et dont on peut supposer que les éléments les plus disciplinés seront justement les anciens miliciens qui, eux, ont déjà bénéficié d'un entraînement paramilitaire.

Il y a deux semaines, l'ancien diplomate canadien James Bissett a mis en garde le gouvernement Harper: les conseillers canadiens, disait-il au National Post, ne pourront faire le tri entre les membres de l'armée régulière et les néonazis, puisque ces derniers ont été intégrés aux forces régulières.

«Le Canada ne devrait pas être associé à ces groupes répugnants», affirme celui qui a une bonne connaissance de l'Europe de l'Est, ayant été ambassadeur en Yougoslavie, en Bulgarie et en Albanie. M. Bissett répondait ainsi aux assertions du ministre de la Défense, Jason Kenney, qui s'était défendu d'envoyer des renforts auprès des groupes néonazis sous prétexte que les Canadiens n'auraient affaire qu'à l'armée régulière.

Le National Post rapporte que le ministre ukrainien de la Défense vient d'annoncer la nomination de Dmitri Yarosh, le chef d'un parti d'extrême droite, comme conseiller principal auprès des autorités militaires du pays. Le ministre a également annoncé l'intégration à l'armée du Ukrainian Volunteer Corps, une milice néonazie. Le bataillon Azov, un autre groupe intégré à l'armée, affiche un insigne emprunté aux SS, et certains de ses dirigeants ont fait des déclarations antisémites.

La Seconde Guerre mondiale a marqué l'Ukraine. Beaucoup d'Ukrainiens ont activement collaboré avec les nazis - soit par conviction, soit dans l'espoir d'échapper au joug du régime soviétique. Beaucoup d'Ukrainiens ont participé à ce qu'on a appelé «la Shoah par balles», soit l'extermination de dizaines de milliers de Juifs par fusillades massives en Europe de l'Est entre 1941 et 1943. En Ukraine seulement, un million et demi de Juifs (les deux tiers de la population juive du pays) ont été ainsi massacrés.

Il va de soi que nos compatriotes d'origine ukrainienne n'ont rien à voir avec ces exactions. Il reste que le lobby canado-ukrainien (dont les représentants, notons-le bien, sont loin de faire l'unanimité parmi la population d'origine ukrainienne) vit à l'heure de Kiev et qu'il est riche et bien organisé. On a vu récemment qu'il a aussi le bras long, quand la direction de l'Orchestre symphonique de Toronto a annulé le concert très attendu de la pianiste russo-ukrainienne Valentina Lisista, parce qu'elle avait diffusé quelques gazouillis (en russe!) anti-ukrainiens sur son compte Twitter.

Selon ma collègue Nathalie Petrowski, c'est sous la pression d'un mécène d'origine ukrainienne que le directeur du TSO, Jeff Melanson, aurait pris cette décision... un acte de censure pure et simple qui a scandalisé tant les abonnés de l'orchestre que les défenseurs de la liberté de parole.