Quel salmigondis! Le débat en cours sur les minorités religieuses ressemble à un minestrone où l'on aurait jeté des croquettes pour chats, des restes de pâté chinois, des yaourts périmés, de la citrouille et du raifort: bref, c'est n'importe quoi.

Dans la marmite qui bout, se mélangent des notions pourtant fort distinctes - intégrisme, terrorisme, radicalisation, écoles confessionnelles, accommodements raisonnables, polygamie, crimes d'honneur et j'en oublie.

Dans l'abondant courrier que m'a valu ma chronique de jeudi, où j'appuyais la nouvelle position du premier ministre Couillard sur l'intégrisme, un certain nombre de lecteurs, les plus excités, m'ont accusée d'entériner, par ma coupable tolérance, la polygamie et la lapidation. D'autres, plus aimables, se contentaient d'être hors-sujet.

Recommençons. Oui, dans une société démocratique, tout le monde a le droit d'être intégriste - SVP voir les définitions du Robert et du Larousse. À condition, bien sûr, que cela n'entrave pas les droits des autres et que cela n'aille pas contre nos lois.

Dans la furie ambiante, on a oublié l'autre volet, capital, de la position du premier ministre: agir contre la radicalisation. Voilà qui est beaucoup plus important, car ce qui menace nos sociétés n'est pas l'intégrisme en soi, mais la radicalisation - le passage du fondamentalisme religieux à la tentation djihadiste.

La plupart des intégristes ne sont pas violents. Il y en a qui le sont, et ce sont ceux-là qu'il faut surveiller, pas l'éducatrice de garderie avec son petit hidjab.

On me parle de ces clients qui refusent d'avoir affaire à une employée dans les services publics. Ces problèmes, de l'avis même de la commission Bouchard-Taylor, étaient pour la plupart réglés en 2007, parce que les administrateurs locaux avaient défini une pratique face aux demandes d'accommodements. Ainsi, la SAAQ rejette les demandes qui excluent les instructrices.

Sept ans plus tard, les administrations ont certainement amélioré leurs pratiques, quoiqu'il subsiste des problèmes aigüs, par exemple lorsqu'un mari refuse que sa femme soit vue par un médecin masculin. Que faire si la vie de la femme est en danger? Je n'ai pas la réponse.

On me parle de polygamie. C'est un faux problème, car la polygamie est illégale au Canada. Une secte mormone a perdu sa cause en Colombie-Britannique, et le gouvernement Harper compte bouter hors du pays les immigrés polygames. La loi interdira aussi les mariages forcés.

On parle des écoles hassidiques, où les élèves n'apprennent que la religion. Oui, cela devrait être illégal. Au ministère de l'Éducation d'agir, et autrement que par ce compromis minable où des parents en marge de la société se chargeraient d'enseigner le programme officiel à la maison. Le «home schooling» est insensé dans une société moderne.

Quant à savoir si toutes les écoles doivent être laïques, autre sujet qui flotte dans le salmigondis, c'est une toute autre question... dont on reparlera quand les Québécois auront décidé de fermer Brébeuf et les écoles des Marcellines.

On me parle beaucoup, pour me semoncer, des Shafia, qui ont assassiné leurs filles parce qu'elles dérogeaient au modèle intégriste. Ce n'est pas un argument: les Shafia sont en prison pour le reste de leur vie!

Venons-en à l'imam Chaoui. Voici un intégriste radicalisé dont les discours dangereux ne peuvent être tolérés, même au nom de la liberté d'expression. Mais ils tomberaient probablement sous le coup d'une loi qui existe déjà contre les propos haineux. Et rien n'empêche la Ville de fermer le local sur lequel il comptait.

Tout cela pour dire que notre société a déjà beaucoup de moyens de se défendre contre l'extrémisme violent tout en restant démocratique et ouverte.

Sur ce, chers lecteurs, je vous quitte pour un mois. Destination: un pays bouddhiste où je n'entendrai plus parler de l'islam ni de Bernard Drainville.