Le meilleur remède à la paranoïa - une maladie qui est en train de revenir au Québec dans la foulée des attentats de Paris -, c'est d'essayer de voir la réalité telle qu'elle est.

Cela ne changera rien aux idées fixes de ceux qui imaginent l'ombre du djihad dans chaque enseignante portant un foulard, mais c'est un exercice utile à qui veut avoir une vision réfléchie des choses.

Même si les cas du Québec et de la France, en ce qui concerne l'immigration musulmane, ont très peu en commun, il y a des parallèles intéressants.

Ainsi, dans ce tableau du «poids de l'islam en France» dressé récemment par Le Monde, on voit que ce qu'on imagine est toujours pire que ce qui existe, et que les préjugés poussent nombre de gens à amplifier les choses. La surestimation des communautés craintes ou impopulaires est d'ailleurs un phénomène classique.

Exemple. Quelle est la proportion de musulmans en France? L'été dernier, un sondage Ipsos montrait que les Français s'imaginaient qu'ils représentent le quart de la population... alors qu'ils n'en forment qu'environ 8%.

Les auteurs de l'enquête, Alexandre Pouchard et Samuel Laurent, ont emprunté à diverses sources puisque les recensements, en France, ne prennent pas en compte l'origine ethnique ou religieuse. Selon le ministère de l'Intérieur, les musulmans seraient de quatre à cinq millions (sur une population de 66 millions), incluant les non pratiquants. Leur nombre aurait notablement augmenté depuis 30 ans.

À l'instar des personnes se déclarant catholiques, qui ne vont pas toutes à l'église, les musulmans sont peu nombreux à prier chaque jour ou à aller chaque semaine à la mosquée. Selon un sondage de l'IFOP réalisé en 2011 pour le journal La Croix, seulement les trois quarts des personnes issues de familles musulmanes se disaient «croyantes».

Les croyants sont proportionnellement moins nombreux dans les familles établies depuis longtemps en France, ou dans les familles mixtes.

La religion musulmane est plus résiliente que le catholicisme. Si 16% des gens de culture catholique se disent «croyants et pratiquants», c'est le cas de 41% des personnes de culture musulmane. Chez les premiers, 57% se disent «croyants, mais non pratiquants», tandis que c'est le cas de seulement 34% des musulmans. Seul le quart des répondants disent aller régulièrement à la mosquée le vendredi.

Si 71% des musulmans disent observer le jeûne du ramadan, seulement 6% ont fait le pèlerinage à La Mecque. Autre indication intéressante, le tiers des gens de culture musulmane consomment de l'alcool. Par contre, les trois quarts achètent de la viande hallal au moins «de temps en temps».

Selon une étude de l'Institut national d'études démographiques, en 2010, les immigrants venus de régions «très islamisées», de même que leurs enfants, sont plus attachés à la religion, ce qui était prévisible. Par ailleurs, une étude du CNRS montre que les immigrés arrivés en France à l'âge adulte sont moins religieux que les autres, ce que les enquêteurs expliquent par le fait que les jeunes élevés en France réagiraient contre la «relégation sociale» dont ils se croient victimes.

Il y a en France entre 12 000 et 15 000 tenants du salafisme, mais ils ne cautionnent pas tous la violence. Selon le ministère de l'Intérieur, les partisans du djihad seraient ultra-minoritaires, soit environ 2000, ou 0,075% des musulmans pratiquants.

Combien y a-t-il de mosquées en France (on parle d'édifices dédiés, avec minarets)? En 2009, on en comptait 64, mais il y avait quelque 2500 lieux de prières improvisés dans des salles modestes.

Une donnée plus troublante: en 2012, on estimait que quelque 100 000 personnes élevées dans des familles de culture chrétienne se seraient converties à l'islam.