Dans la foulée des attentats terroristes de Paris, des voix d'élèvent pour que le gouvernement Couillard s'attaque au dossier de la laïcité.

Ce serait une bien mauvaise idée, pour toutes sortes de raisons, et à plus forte raison à ce moment-ci. Cela accréditerait le préjugé selon lequel il y aurait un lien entre le terrorisme d'inspiration islamiste et les us et coutumes des musulmans d'ici.

Ces derniers, dans leur immense majorité, réprouvent cette idéologie meurtrière, sans compter qu'il y a un monde de différences entre les communautés musulmanes en France et au Québec. Elles ne sont pas comparables, n'ont pas la même histoire ni les mêmes griefs.

D'ailleurs, on l'a vu récemment, nos propres «loups solitaires», loin d'être tous issus de familles musulmanes, peuvent aussi bien être des «p'tits gars de chez nous», des convertis qui ont cru trouver dans l'islam guerrier un remède à leurs psychoses. Ce qui ne veut pas dire, bien sûr, que le Québec soit immunisé contre des actions analogues à celles qui ont eu lieu à Paris.

Chose certaine, il est moins indiqué que jamais de prendre exemple sur la laïcité à la française. Il n'y a nulle part de modèle parfait, mais le «modèle français», à en juger par ses résultats, n'est certainement pas à imiter.

De toute façon, en quoi une loi sur la laïcité pourrait-elle prévenir le terrorisme? En quoi le fait d'interdire aux femmes portant le niqab d'occuper un emploi dans la fonction publique (ce serait l'une des dispositions d'un éventuel projet de loi libéral) pourrait-il empêcher des jeunes désaxés de nourrir des projets meurtriers?

Non seulement n'y a-t-il aucun rapport entre le voile et la criminalité politique, mais nul n'a besoin d'une loi pour empêcher l'apparition d'une fonctionnaire au visage masqué au guichet de la SAAQ ou au triage d'une salle d'urgence. Les institutions n'embauchent pas de femmes intégralement voilées et ces dernières ne postulent pas ce genre d'emploi. Pourquoi diable inventer des problèmes qui n'existent pas? Cette loi ne changerait rien à la réalité et ne ferait que constituer une vexation envers les musulmans modérés.

Selon ce qu'on en sait, le projet gouvernemental actuellement à l'étude au ministère de la Justice baliserait les accommodements raisonnables. Encore une mesure inutile! Cela se fait déjà, cela se faisait même avant la commission Bouchard-Taylor, les administrateurs locaux ayant acquis avec le temps un bon savoir-faire en la matière.

Enfin, le projet libéral mettrait en place des mesures pour lutter contre l'intégrisme. On se demande bien lesquelles, à moins que le gouvernement ne veuille nommer lui-même les imams des mosquées, forcer les familles intégristes (incluant les intégristes chrétiens) à suivre des cours de rééducation ou dédoubler les services de renseignement policier déjà à l'oeuvre au Canada, et que le gouvernement Harper a d'ailleurs l'intention de renforcer.

Le gouvernement Couillard a d'autres chats à fouetter que de ressusciter le vague projet sur la neutralité de l'État qu'il avait concocté dans l'opposition, et qui ne constituait, en réalité, qu'une réponse maladroite à la charte péquiste.

La démarche du PLQ, sur ce sujet, a été empreinte de confusion, comme on l'a vu dans les contradictions d'un Philippe Couillard embêté par le sujet et par le pitoyable dérapage verbal qui a poussé le PLQ à confondre le tchador iranien avec le niqab et la burqa.

Même le Parti québécois n'a pas intérêt à reprendre ce débat stérile et débilitant, compte tenu des dissensions internes qui sont apparues sur le sujet entre ses aspirants au leadership. Et le Québec, après les déchirements de l'an dernier, ne doit pas être soumis à un autre exercice de ce genre.