Saint-Jérome, dimanche dernier. Les partisans affluent dans l'auditorium de l'école des Studios. C'est le grand jour, le point de non-retour. Désormais, Pierre Karl Péladeau ne pourra plus reculer.

Le maître de cérémonie, le député Pascal Bérubé, qui avait cinq ans au référendum de 1980, est du genre à faire lever une salle. Même Martine Ouellet est venue en curieuse.

Il y a beaucoup de têtes connues, mais surtout, faut-il dire, des seconds couteaux, de Yves Duhaime à Nicole Léger en passant par Richard Le Hir.

Les grands noms du parti ne sont pas là, sauf Bernard Landry, un peu fragilisé physiquement, mais toujours éloquent: «J'aime mieux celui qui lève le poing que ceux qui baissent les bras!», lance-t-il, avant de clore, en faisant le V de la victoire, sur un appel qui évoque la grande époque où la souveraineté mobilisait les jeunes: «Nous sommes les militants et les militantes de la patrie et rien ne nous arrêtera!»

Les jeunes, justement. Leur désaffection, leur indifférence. Le gros problème du PQ. L'autre problème: les femmes, traditionnellement plus réticentes envers la souveraineté.

Aussi a-t-on choisi des jeunes - et des femmes - pour précéder PKP sur la tribune: la présidente des Jeunes péquistes, la petite-fille de Lise Payette, une mère de famille dont le fils est le meilleur copain de Thomas Péladeau et qui témoigne des qualités paternelles du candidat.

Et puis vient la pièce de résistance: Denise Filiatrault, qui rappelle qu'elle était là, le 15 novembre 1976, sur la scène du Centre Paul-Sauvé où elle présentait l'équipe victorieuse de René Lévesque... Sous-entendu: PKP, le successeur de Lévesque.

Denise Filiatrault a bien connu, aussi, les parents de PKP. Sa mère manquante (elle se suicida alors que PKP était adolescent). Son père qui, tout homme d'affaires qu'il fût, «en voulait un, pays». Elle lui dit que ses parents seraient fiers de son choix.

Quand Pierre Karl Péladeau monte sur scène, il est étranglé par l'émotion. Il remercie Filiatrault d'avoir rappelé le souvenir de sa mère, qu'il nomme en retenant ses larmes: «Raymonde Chopin». Ici, on n'est plus dans le spectacle politique, on est dans l'humain.

Dans ce lancement officiel, il y a, de fait, peu de pré-emballage, peu de stratégie de communication sophistiquée, à l'exception d'une vidéo bien léchée présentant le candidat. À l'exception, aussi, de son excellent slogan qui est sans doute l'oeuvre de bons professionnels: «Réussir», un seul mot qui en dit long (les meilleurs slogans sont souvent les plus courts).

Quant au reste, le lancement est un événement très simple, bon enfant et sans façon... à commencer par le discours du candidat, qui est d'un amateurisme total.

D'abord, une liste interminable de remerciements, recto tono. Ensuite, histoire d'éviter les dérapages, les coq-à-l'âne et les interminables digressions qui ont souvent marqué ses interventions, M. Péladeau sort de sa poche un discours écrit... qu'il a manifestement rédigé lui-même.

Ca durera une heure, ce sera laborieux. Débit haché, ton criard, clichés grandiloquents, français douteux: ainsi il parle de « (cette coalition) à quoi je m'efforcerai à accomplir» (sic), ou encore de «cette fausse péréquation qu'on nous sert pour nous assujettir à cette funeste conception que nous ne valons pas la peine d'être libres» (resic).

Quel que soit l'entraînement auquel ses conseillers le soumettront, PKP ne sera jamais un bon orateur... et ce sera tout un contraste par rapport aux grands tribuns qui ont marqué l'histoire du PQ. Mais bon, si Jean-François Lisée perd la course au leadership, PKP pourra toujours l'embaucher comme «speechwriter» !