Près de quatre millions pour adoucir l'image du gouvernement? Même les publicitaires les plus rapaces n'oseraient rêver d'un contrat aussi mirobolant!

C'est pourtant à cela que ressemble le premier rapport de la commission Robillard sur la révision permanente des programmes. À première vue, on est porté à souscrire au jugement de l'opposition, qui y voit une stratégie visant à donner l'impression qu'en comparaison avec les recommandations «dures» de la Commission, le gouvernement y va «mollo» dans ses velléités de réforme.

Si stratégie il y avait, elle a été éventée dans les heures qui ont suivi la sortie du rapport... Mais peut-être, à la réflexion, n'y a-t-il même pas eu de stratégie. On prête trop d'intelligence aux gouvernements. Souvent, c'est l'incompétence, l'improvisation ou l'absence d'une direction claire, bien davantage que des plans machiavéliques, qui expliquent les cafouillages.

En tout cas, comme cafouillage, c'en est tout un. Malgré les précautions oratoires du président du Conseil du trésor Martin Coiteux, il est clair que les recommandations de la Commission s'en vont à la poubelle.

Sans surprise, d'ailleurs: quel gouvernement oserait attaquer de front toute la classe agricole (et à partir de chiffres dépassés par-dessus le marché!), au risque de voir ses appuis dans les régions fondre comme neige au soleil?

Quel gouvernement voudrait réduire de moitié les transferts aux municipalités et, du même coup, susciter l'ire des contribuables qui seront privés de services essentiels ou devront compenser la différence en taxes municipales?

Pourquoi ces économies mesquines sur le dos des associations bénévoles qui comptent sur leur pitance occasionnelle de 500$, alors que ces messieurs-dames de la Commission gagnent entre 800$ et 1000$ par jour?

Le choix de l'ancienne ministre Lucienne Robillard pour présider cette commission se justifiait par le fait qu'une politicienne de longue expérience saurait faire la différence entre ce qui est souhaitable sous l'angle comptable et ce qui est politiquement «faisable». On voit qu'elle n'avait même pas cette qualification-là, puisqu'elle a entériné des recommandations qu'aucun gouvernement ne pourrait appliquer sans être suicidaire.

La seule recommandation qui se défend est celle qui porte sur l'augmentation des frais de garde, mais, même dans ce cas, cet avis ne sert à rien puisque le gouvernement a déjà fait son lit sur la question. Quant à l'essentiel, les ministres de l'Agriculture et des Affaires municipales ont eux-mêmes envoyé les principales recommandations du rapport à la déchiqueteuse le jour même de sa présentation.

À quoi donc sert cette commission à laquelle même son créateur n'accorde aucune importance? Il est vrai qu'en dernière analyse, c'est le gouvernement qui doit décider, mais le rôle d'un comité d'experts est de proposer des solutions avant que le gouvernement ne passe à l'action! Dans ce cas, la charrue est passée avant les boeufs, et le rapport de la CRPP arrive trop tard, comme un cheveu sur la soupe.

La Commission doit se remettre au travail pour aller chercher des économies dans les domaines plus complexes (et beaucoup plus coûteux) de la santé et de l'éducation... mais, ici encore, les ministres concernés ont déjà amorcé leurs réformes budgétaires, celui de l'Éducation s'attaquant aux commissions scolaires et celui de la Santé aux agences régionales.

Peut-être la Commission voudra-t-elle recommander, au chapitre de la santé, des changements inspirés des modèles européens, ce qui serait fort opportun... mais compte tenu du tollé démesuré déclenché par la hausse des frais de garde (une mesure socialement juste qui ne scandaliserait personne dans une société moins frileuse), il serait douteux que le gouvernement ose s'attaquer à d'autres vaches sacrées.

Aussi bien fermer la boîte à idées et laisser le gouvernement aller à son rythme, sans plan d'ensemble, comme un bateau qui navigue à vue.