En promettant, dans la panique pré-référendaire, une dévolution de pouvoirs à l'Écosse, les Anglais se sont mis dans de beaux draps.

Le scénario est facile à prévoir, car on l'a vécu à plusieurs reprises au Canada, dans la foulée des référendums de 1980 et de 1995. Ce sera le syndrome du «Me Too!». Nous aussi! Nous aussi! , crieront le pays de Galles et l'Irlande du Nord, quand le Parlement de Londres accouchera d'un début de projet.

Et nous? , hurlaient de la même façon les autres provinces quand il fut question d'octroyer au Québec un statut distinct. (C'était à l'époque de Meech, si ce mot vous dit encore quelque chose). Toutes les provinces devaient être traitées également, tel était le cri de ralliement qui a mené au sabordage de Meech.

Les suites du référendum écossais ramènent ces mauvais souvenirs à la surface, car on voit déjà à l'oeuvre le syndrome pernicieux du «Me Too». Le pays de Galles et l'Irlande du Nord réclament une dévolution analogue à celle qui serait consentie à l'Écosse, et nombre de contribuables anglais se demandent pourquoi ils devraient encore payer pour apaiser des Écossais jamais contents (un refrain souvent entendu ici!).

Cela annonce des lendemains difficiles pour le Royaume-Uni, d'autant plus que la réforme promise par les chefs des trois partis centraux constitue une importation totalement étrangère à la culture politique du pays.

Au moins, dans le cas canadien, on avait affaire à une fédération historiquement basée sur un partage des pouvoirs entre le fédéral et les provinces, alors que la Grande-Bretagne est un État unitaire. L'écart entre les populations des provinces canadiennes n'est pas irréductible (et le serait encore moins si les trois petites provinces de l'Atlantique, de même que la Saskatchewan et le Manitoba, avaient la bonne idée de fusionner), alors que la disproportion entre le pays de Galles (3 millions d'habitants), l'Irlande du Nord (2 millions), l'Écosse (5 millions) et l'Angleterre (53 millions d'habitants, soit 84% de la population) est phénoménale. On a même entendu, ces derniers jours, des représentants de la Cornouaille (un demi-million d'habitants!) réclamer à leur tour un statut particulier!

L'aspect le plus épineux de la nouvelle donne qui va dominer le discours politique en Grande-Bretagne est le statut de l'Angleterre.

Pourquoi les députés écossais ou gallois au parlement de Londres auraient-ils le droit de légiférer sur des sujets ne concernant que l'Angleterre, alors que les Anglais hyper-majoritaires seraient exclus des décisions prises au parlement d'Édimbourg ou de Belfast... tout en étant ceux qui financeront la plus grande partie des nouveaux cadeaux consentis aux petites régions? Déjà la fronde se manifeste parmi les députés conservateurs.

Faudrait-il créer, parallèlement au Parlement central de Westminster, un Parlement londonien réservé aux députés anglais? Mais ce qui rendrait justice à la majorité anglaise aurait l'inconvénient de multiplier les structures législatives, de faire du Royaume-Uni un pays surgouverné, et aussi d'enfermer les députés des régions minoritaires dans leurs petits îlots respectifs, à l'écart de la majorité britannique. À quoi sert-il de faire partie d'un grand ensemble si l'on ne participe pas à l'entièreté de sa vie politique?

Pour compliquer les choses, le Royaume-Uni a un gouvernement de coalition. Et les travaillistes, qui sont forts en Écosse, n'ont aucun intérêt à ce que les Écossais soient exclus du parlement central. Et le parti qui monte, le UKIP d'extrême-droite anti-européen, est opposé à la dévolution de pouvoirs à l'Écosse. Et des élections nationales auront lieu l'an prochain. Et M. Cameron, sous la pression de l'UKIP, a promis un référendum sur l'appartenance à l'Europe...

Bon courage, dear friends.