Au moment où la commission Charbonneau met fin à ses audiences publiques, force est de constater que la montagne a accouché d'une souris. Les seuls qui y auront vraiment trouvé leur compte ont été les chaînes d'information continue et les gens qui passent leur journée devant la télévision ; il est vrai qu'à l'occasion le show était bon, car les acteurs étaient bien choisis. Les numéros de Lino et de Tony valaient le détour !

On se demande bien pourquoi le gouvernement se rendrait à la suggestion du PQ de prolonger le mandat de la Commission. Rien n'empêche cette dernière de convoquer les grands absents durant les semaines qui restent, ceux qu'elle a inexplicablement décidé de ne pas interroger.

On pense évidemment à Marc Bibeau, le grand argentier du Parti libéral, qui a été au centre de multiples témoignages. Mais peut-être cette omission tient-elle à une raison d'ordre judiciaire.

On pense aussi à l'ancien premier ministre Charest, qu'il aurait fallu interroger sur l'objectif de financement qu'il avait imposé à ses ministres - 100 000 $ par année ! Un objectif démesuré, qui en soi ouvrait la porte au financement corporatif. On pense enfin au mari de l'ancienne première ministre Pauline Marois, Claude Blanchet, dont les transactions immobilières et les liens avec la FTQ ont soulevé des questions.

On se demande aussi pourquoi la Commission n'a pas fait enquête au ministère des Transports. On a bien démontré la nature du système de corruption au niveau municipal. N'était-ce qu'à Montréal et dans les villes de banlieue qu'il s'est trouvé des fonctionnaires et des politiciens corrompus ?

Mais qu'importe. La Commission a eu tout le temps nécessaire pour démontrer qu'elle n'était pas à la hauteur de son mandat... qui était, faut-il dire, beaucoup trop large. Ses omissions, ses incohérences, ses pistes avortées, ses coups d'éclat sans suite (pensons à cette fameuse liste des clients du Club 357c, un exercice inouï de culpabilité par association sur lequel la Commission n'est jamais revenue et ne s'est jamais expliquée.)

Les audiences se sont ouvertes par une longue suite de témoignages savants sur la mafia à travers le monde. On s'attendait à ce que la Commission explore ces pans sombres du monde de la construction. Mais rien ne s'est passé, à part le témoignage de Lino Zambito, un homme qu'on peut difficilement croire sur parole. La grande criminalité ? Oubliée !

La Commission s'est attardée indûment aux municipalités. Montréal, Laval, Mascouche et tutti quanti... on a craint un moment que la Commission passe en revue les 1 110 municipalités de la province !

Elle a consacré des heures au contournement de la loi électorale et à l'utilisation de prête-noms. Mais quel besoin avait-on d'une commission d'enquête pour ergoter sur un système dont l'existence était connue depuis des années ?

On a longuement glosé sur les liens entre la FTQ et les entrepreneurs, mais complètement occulté l'univers de la politique provinciale. Finalement, après tout ce battage, on n'a pas trouvé un seul cas où un contrat spécifique aurait été octroyé en échange d'un don à un parti gouvernemental ! De deux choses l'une : soit il n'y a jamais rien eu de croche au niveau provincial, soit la Commission a été incompétente.

Son travail a certainement été handicapé par le fait que des enquêtes policières se déroulaient en parallèle, de même que par l'absence continue du troisième commissaire, feu Roderick Macdonald, un juriste renommé qui aurait peut-être recadré les choses, et par le départ de ses deux premiers procureurs en chef, Me Sylvain Lussier et Me Denis Gallant, lequel a été remplacé par une procureure néophyte. Mais la responsabilité première de l'échec repose sur les épaules de la juge qui a donné son nom à la Commission.