Quand cessera-t-on de traiter les femmes comme des mineures trop sottes pour décider elles-mêmes de leur statut matrimonial ?

Exemple : cette recommandation du Conseil du statut de la femme, qui voudrait imposer le mariage automatique à tous les conjoints de fait dès la naissance d'un enfant ou après deux ans de cohabitation. Il est particulièrement consternant que cette idée paternaliste vienne d'un organisme supposément voué à la promotion de l'autonomie des femmes.

C'est en effet pour protéger ces pauvres petites créatures en cas de dissolution de la cohabitation, que le Conseil recommande de faire du mariage le régime commun, qu'on le veuille ou non.

Actuellement, l'ex-conjoint de fait le plus fortuné doit verser une pension alimentaire pour les enfants, mais pas pour leur mère. Il en va autrement dans plusieurs provinces canadiennes, mais le Québec s'est donné un régime plus respectueux du libre choix des couples.

Oui, il y a des cas tragiques de mères abandonnées dont le niveau de vie périclite avec la séparation. Mais ils seront de plus en plus rares, à une époque où les femmes s'instruisent davantage que les hommes.

Oui, on peut penser à des cas particuliers de femmes qui se sont dévouées toute leur vie dans l'entreprise de leur conjoint (exploitation agricole ou petit commerce), et qui se retrouvent sans compensation pour leurs années de travail. Mais les tribunaux auraient tôt fait, de nos jours, de leur accorder une partie du patrimoine.

Oui, il y a des gens qui tombent des nues en apprenant qu'en tant que conjoints de fait, et en l'absence d'un contrat négocié avec leur partenaire, ils ne bénéficient d'aucune protection financière en cas de séparation. Mais l'ignorance de certains n'est pas une raison pour modifier le régime collectif. Ne dit-on pas que nul n'est censé ignorer la loi ?

Une femme capable de signer un bail, d'assurer son auto et de choisir quels aliments acheter au marché devrait être capable de comprendre la différence entre le mariage et l'union de fait. Sinon, la société doit l'encourager à prendre ses responsabilités.

Si, par ailleurs, une femme accepte de continuer à vivre avec un homme qui refuse le mariage, l'union civile, et le contrat notarié... hélas, c'est son choix. L'État ne peut suppléer au manque de jugement qui pousse certaines femmes à s'immoler au nom de ce qu'elles croient être l' « Amour ».

Et si, finalement, l'on juge que trop de gens se méprennent sur les conséquences de l'union de fait, eh bien, la solution est simple : le gouvernement n'a qu'à organiser des campagnes de sensibilisation, qui peuvent être relayées par les organismes féministes, voire par l'école. Pourquoi ne pas inclure l'information sur les régimes matrimoniaux dans des cours d'éducation sexuelle ? Cela ne prendrait guère de temps, et c'est une matière facile à assimiler. Vous voulez la protection maximale ? Mariez-vous, les filles !

Le mariage obligé restreindrait le libre choix des couples, dont plusieurs préfèrent, pour des raisons qui les regardent, ne pas aliéner leur liberté individuelle. Il aurait aussi pour suprême inconvénient de dévaloriser le mariage. Les couples qui se marient le font parce que le mariage représente une valeur à leurs yeux. L'imposer à tous banaliserait à jamais cette institution qui a d'immenses mérites.

Le CSF propose le droit de retrait (devant notaire !) aux couples qui refuseraient d'être mariés de force - un recours qui ressemble aux pires tactiques des entreprises qui vous vendent des abonnements automatiquement renouvelables, et qui entraînerait de douloureux affrontements au sein des couples en désaccord sur la question.

Heureusement, la ministre de la Justice semble peu intéressée par la réforme proposée par le CSF. En fait, c'est plutôt le CSF qu'il faudrait réformer !